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les Sully et autres arbres remarquables

les Sully et autres arbres remarquables

La forêt et les bois ont joué un grand rôle dans l’histoire et l’homme entretient depuis toujours une relation bien particulière avec l’arbre; celui-ci exprime toute la force du monde végétal et a tenu une place importante, économique et symbolique, dans les sociétés humaines :

– il constitue un moyen de chauffage très facile à trouver et à enflammer et entre(entrait) dans la fabrication de meubles (encore aujourd’hui pour les cercueils …) et la construction navale jusqu’à l’avènement des aciers

– c’est sous un chêne que Louis XI rendait la justice,

– c’est aussi sous un arbre à palabres que se tiennent les réunions dans certaines communautés africaines

– les druides (c’est attesté dans Astérix chez les Goths) cueillaient le gui sacré sur les chênes

– Il symbolise la vie de la famille au travers de l’arbre généalogique

On retrouve ce lien au travers de nombreux toponymes ou patronymes, dérivés de noms gaulois ou latins désignant diverses espèces :

fraxinus le frêne → Fraisne, Le Fresne, Frenay, Fraisse ou Fraysse, Freche, Freyssinet

sylva : la forêt →sylvestre, sylviculture, prénom Sylvain

limo, l’orme en gaulois, à l’origine de l’appellation lemovices (peuples du Limousin)

casteneum le châtaignier → Chastang, Chastaing, Castan, Castain

vernos l’aulne en gaulois → verne, vergne, lavergne

Son rôle écologique est maintenant avéré : l’arbre constitue un acteur majeur dans le cycle du carbone

La forêt est omniprésente en Corrèze et le moindre déplacement sur route ou par le rail nous le confirme : difficile de trouver des lieux d’où l’arbre est absent.

Si en France environ 30 % du territoire est boisé, ce taux atteint les 45 % chez nous delon un inventaire de l’IGN 2009-2013.

La cartographie montre que la densité forestière est à son maximum sur le plateau de Millevaches et tout le long de la vallée de la Dordogne.

Les essences les plus répandues sont le chêne (pédonculé quercus robur et rouvre ou sessile quercus petraea), le châtaignier et le pin douglas; arrivent ensuite le hêtre, l’épicéa et le bouleau; les feuillus sont assez nettement majoritaires même si ce n’est pas forcément l’impression première que l’on peut avoir en parcourant le territoire.

Avec autant de variétés, tous les goûts sylvicoles peuvent donc être satisfaits et chercher un coin d’ombre par une journée caniculaire est une quête qui peut être facilement satisfaite.

L’arbre fait partie du paysage et le structure; on le trouve aussi en dehors des forêts, le long des routes où il jouait un rôle protecteur pour le voyageur qu’il abritait tant du soleil que des précipitations, ainsi qu’au milieu des villages où apporte sa fraîcheur et contribue à aménager l’espace. Dans ces deux cas, il constitue un élément important du patrimoine historique et culturel français.

Historiquement, après les périodes de défrichage du moyen âge, les souverains prirent conscience de l’importance économique du bois et entreprirent de reboiser le territoire. Ainsi en 1552, Henri II ordonna « à tous les seigneurs hauts justiciers et tous manants et habitants des villes, villages et paroisses, de planter et de faire planter le long des voiries et des grands chemins publics, en lieux qu’ils verront plus commodes et à propos, si bonne et grande quantité d’ormes qu’avec le temps, notre royaume puisse s’en voir suffisamment et abondamment pourvu« 1. Cette volonté politique fut poursuivie et amplifiée sous les règnes qui suivirent, en particulier celui d’Henri IV et de son ministre Sully. Ce dernier aurait donné une impulsion nouvelle à ce projet en ordonnant en 1598 la plantation d’arbres le long des « grandes routes de France, et dans chaque village au devant les églises« , sur les places publiques, arbres dont beaucoup, plantés à cette époque, furent désignés sous le nom de Sully (ou Rosny)2,3 ; ils constituaient un point de ralliement où se rassemblaient les paroissiens à la sortie de la messe.

On retrouve trace de ces plantations vieilles de 400 ans, chênes, ormes ou tilleuls, dans plusieurs villages de Corrèze. Pour ceux qui subsistent, leur grand âge fait que l’on a affaire à des arbres majestueux et dont les dimensions (et notamment leur circonférence) sont hors-normes. Ils sont pour la plupart situés sur le plateau de Millevaches et les Monédières et assez souvent signalés à l’attention des curieux.

Voici un échantillon de ces Sully et de quelques autres arbres remarquables que l’on peut découvrir en sillonnant les campagnes corréziennes (et qu’on ne trouve pas ailleurs bien sûr). Si vous devez n’en voir qu’un, je vous recommande de vous arrêter sur l’aire des Sully à Monestier-Merlines.

Le panneau précise la circonférence : 5.80 m

Le chêne de l’Anglais à Sarroux – St Julien Près Bort

À Tarnac, sur la place (hélas envahie par les voitures) trônent deux chênes magnifiques :

La Montagne leur a consacré un article en 2014 :

https://www.lamontagne.fr/tarnac/vie-pratique-consommation/2014/12/27/deux-chenes-charges-dannees-et-dhistoire-ornent-les-espaces-publics-de-tarnac_11273854.html

 

Sur la commune de Le Jardin, un chêne de Sully qui a donné lieu à un découpage cadastral très original :

On peut en découvrir bien d’autres en parcourant le territoire : à Bellechassagne (au vu du nom, c’est un peu normal), Chamboulive, Chaveroche, Courteix, Maussac, St Hilaire Luc, St Rémy, Vigeois, Vitrac sur Montane, etc

Certains n’ont pas survécu à l’usure du temps (ou à l’homme) : c’est le cas par exemple à Bugeat, Juillac, Objat, Troche …

Et puis, il nous reste de magnifiques hêtres à admirer en bordure de routes, du côté de Bugeat : c’est « la route des Hêtres » :

Voir aussi : les arboretums

1 Dissertations féodales t1 Henrion de Pansey1789

2 Mémoires d’Agriculture, d’économie rurale et domestique de la Société Royale d’Agriculture de Paris 1791 ; Les vieux arbres de Normandie 1895

3 Sully était baron de Rosny

Dolmens et autres monuments mégalithiques en Corrèze

Dolmens et autres monuments mégalithiques en Corrèze

Sources :

1– Philibert Lalande, Mémoire sur les monuments préhistoriques de la Corrèze, In : bulletin annuel de la Société historique et scientifique de Saint-Jean d’Angély, 1867

2MM. Henri Martin, Gabriel De Mortillet, Salmon, Chantre, Cartailhac, Louis Leguay. Inventaire des monuments mégalithiques de France. In: Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, III° Série. Tome 3, 1880

3– Victor Forot, Richesses monumentales et artistiques du département de la Corrèze, 1913

Dans ce domaine, la Corrèze ne peut se comparer à la Bretagne ou à la partie sud du Massif Central, régions très denses en monuments mégalithiques comme le montre la carte ci-dessous, établie à partir du recensement figurant dans la document :

On constate que la répartition suit un arc qui va du Languedoc et du sud-ouest du Massif Central à la Bretagne; a contrario, le Nord, l’Est de la France, le Sud-Ouest sont des régions quasi dépourvues de monuments de ce type

Néanmoins, plusieurs dizaines de ces vestiges – 30 selon le recensement de 1880 – sont visibles sur le département. Certains sont répertoriés comme Monuments Historiques : c’est le cas des dolmens de Beynat, Espartignac*, Lamazière-Haute* et St Cernin de Larche*, des menhirs d’Argentat et de St Cernin de Larche ainsi que le cromlech d’Aubazines*.

* voir illustrations plus loin

Un dolmen — du breton toal qui signifie table et men signifiant pierre — est un monument mégalithique (de mega : grand et lithos : pierre) édifié sans l’aide d’un quelconque liant. Il est simplement constitué de plusieurs pierres verticales, les orthostates, supportant une pierre plate, la table. Bien que de nombreux dolmens soient, à ce jour, visibles hors sol, ils auraient été recouverts à l’origine d’un monticule de terre nommé tumulus ou de pierres formant un cairn.

Les dolmens auraient été, selon les préhistoriens, des monuments funéraires, des sépultures collectives, érigés dans la seconde moitié du néolithique, entre -5500/-5000 et -2000 av JC, cette période coïncidant plus ou moins avec l’âge du cuivre (calcolithique) qui s’étend de -3000 à -1800 et précède l’âge du bronze en Europe.

On peut imaginer les difficultés rencontrées par les hommes pour édifier de tels structures : le poids d’une table (dimensions courantes : 2,0 m x 1,0 m x 0,40 m) est de l’ordre de 2,5 tonnes !

Un menhir est une pierre dressée : le terme «menhir» est construit à partir du breton maen, «pierre», et hir, «longue». D’autres dénominations peuvent se rencontrer, par exemple : L’ancien nom breton des menhirs était « peulvan » ou « peulven »; le toponyme Peyrelevade (en langue d’oc : pierre levée), est fréquent en Corrèze et ailleurs

La fonction du menhir n’est pas connue … était-ce un monument servant à signaler un lieu de rassemblement, à caractère religieux ou autre ? Ils devaient avoir une grande importance pour les peuples de cette époque pour qu’ils aient déployé autant d’énergie à ériger de telles masses : le grand menhir de Locmariaquer dans le Morbihan pesait aux alentours de 300 tonnes !

Les cromlechs (parfois orthographié cromlec’h) ou cercles de pierres, sont des arrangements de (petits) menhirs en cercle avec parfois, un menhir placé en son centre. Le plus connu de tout les cromlechs est celui de Stonehenge, en Angleterre. Une version plus modeste est visible en Corrèze, au dessus d’Aubazines, au Puy de Pauliac

Mettons fin à un début de légende créée de toute pièce par MM. Goscinny et Uderzo : dolmens et menhirs n’ont pas de rapport avec la civilisation gauloise, contrairement à ce que laisserait supposer la lecture de leur célèbre série Bd où l’on voit Obélix diriger une entreprise florissante d’extraction de menhirs (« Obelix et Compagnie« )  

Ainsi que le montre la frise ci-dessous, ces monuments ont, en réalité, été érigés par des populations pré-celtiques bien antérieures aux Gaulois et dont nous ne savons rien

À la poursuite des dolmens de Corrèze

En parcourant la Corrèze, on peut, si l’on est chanceux et persévérant, découvrir quelques-uns de ces mégalithes, pour la plupart situés en basse Corrèze, celui de Lamazière-Haute constituant l’exception qui confirme la règle.

Le chercheur de dolmens et menhirs ne doit pas partir sans se munir des équipements nécessaires à sa quête : une boussole et une carte IGN au 25000ème, indispensables pour localiser les vestiges, le fléchage pouvant être imprécis; des chaussures de marche ou de randonnée, car il est assez rare que les dolmens soient implantés au bord des routes et autoroutes, encore qu’il y a des exceptions;

Le beau temps est un allié précieux et consulter la météo avant de prendre le départ pour s’en assurer est donc essentiel.

Dans la panoplie d’outils à emporter, il faut prévoir l’incontournable appareil photo avec sa carte mémoire neuve et sa batterie bien chargée, et, pour les puristes, un mètre qui permettra de prendre les mensurations des différents éléments composant le mégalithe : hauteur, largeur, tour de taille.

Les plus professionnels emporteront avec eux un stock de carbone 14 pour dater les ossements …

Voici un échantillon photographique de ces monuments que j’ai découverts à mes risques et périls au cours de randonnées, parfois à vélo, le plus souvent à pied.

– à Aubazines : le dolmen d’El Bos Ayretié; effectivement situé en plein milieu d’un bois; attention, à la saison des champignons, on peut même trouver des cèpes dans son voisinage; ou des châtaignes si l’on fait la visite à l’automne …
– toujours à Aubazines, un peu plus haut en direction du Puy de Pauliac : le seul cromlech identifié en  Corrèze : un cercle de 35 m de diamètre environ, matérialisé par des menhirs de petite taille et comportant, en son centre, un menhir de grande taille, aujourd’hui couché et cassé en 2 parties. Comme le dolmen, il est pas mis en valeur, sans la moindre information à caractère archéologique sur place; dommage !
-à Auriac : on peut voir le menhir dit de « Peyre Quilhade » (pierre levée ou dressée) au lieu-dit « la croix de Vaur », un peu à l’intérieur d’un bois, en bord de route entre Auriac et Bassignac-le-Haut, sensiblement à mi-distance des hameaux de Selves et de Rigieix. D’après J.F. Pérol (in : bulletin de la Sté préhistorique Française 1945), ce menhir a une hauteur totale de 3.30 m dont une partie enterrée d’environ 1.0 m. Toujours d’après cet auteur, il semblerait qu’il y ait, au dos de ce mégalithe, une gravure pouvant représenter un poignard … ce qu’il est difficile de vérifier, la pierre étant couverte de mousse !

-à Bonnefond : le menhir du Pilar, à 1 km environ au sud-est du village, un menhir christianisé de 2 m de hauteur, sculpté en forme de croix à l’époque chrétienne. Il faut pénétrer dans le bois pour s’en approcher (attention aux loups !). Le nom Pilar pourrait trouver son origine dans le latin pila : colonne

– à Estivaux, lieu-dit Peyrelevade (« pierre levée« ); en bordure d’une route, en plein milieu d’un champ, un dolmen daté de 2700 av J.C. selon la plaque d’identité. Le nom du lieu-dit pourrait laisser penser qu’autrefois il pouvait y avoir des menhirs à cet endroit …

 
– à Lagraulière, lieu-dit Joujou (sic) : difficile à trouver, masqué qu’il est par un grand hangar agricole.
– à Lamazière-Haute, lieu-dit Le Chevatel : le plus photogénique; en contrebas d’un chemin, il est facilement accessible. Protégé par quelques arbres, l’emplacement est un lieu idéal pour pique-niquer par une chaude journée d’été au milieu d’une randonnée !
– à St Cernin de Larche : près du lac du Causse, lieux-dits La Palein et La Chassagne. Il faut s’employer pour grimper depuis le centre du village jusqu’aux sommets qui surplombent le causse, mais ensuite on découvre sur le plateau ces deux monuments, à faible distance l’un de l’autre. Ils sont tous deux situés au centre d’un tumulus (élévation de terrain constituée d’un mélange de pierres et de terre).
 
– à Espartignac, sur un surplomb de la Vézère et caché par la végétation plutôt dense, un édifice qui ressemble à un dolmen mais qui n’en serait pas un selon certaines sources… Il est quand même classé comme tel par les Monument Historiques sous l’appellation « la maison du Loup« 
– à Seilhac, une pierre de très grandes dimensions, la « Pierre Bouchère«  au lieu-dit le Puy des Ferrières; il faut aller jusqu’au sommet, contourner le relais de télécommunications par la gauche et s’enfoncer dans le sous bois pour découvrir cet énorme bloc monolithe. Son nom donne une idée de l’usage qui pouvait en être fait
– à Ste Fortunade, hameau de Clairfage : un dolmen existait jusqu’à une époque assez récente; il aurait été détruit malencontreusement par le propriétaire des lieux pour des motifs peu clairs dans les années 30 (voir le récit assez amusant ou affligeant, c’est selon, qu’en fait Marius Vazeilles, spécialiste de l’archéologie locale, écologue et expert forestier)
 Le dolmen de Sainte Fortunade selon une carte postale, datant du début du XXè siècle :
 
– à St Augustin, en bordure du D 173, une pierre dédiée à Sedulix; c’était, si l’on en croit le texte figurant sur la plaque, un chef de guerre gaulois .. Il aurait selon certains, apporté son appui à Vercingétorix pour finalement périr à Alésia. Et effectivement, ce personnage est évoqué par César sous le nom de Sedullus dans la guerre des Gaules. C’est Antoine Paucard, sculpteur et poête local qui a fait dresser ce monolithe commémoratif dans les années 20 et s’est chargé d’écrire l’hommage (et au passage, a changé le nom de Sedullus en Sedulix au motif qu’un nom gaulois ne pouvait que finir par la terminaison « ix« )
 

Pour en savoir plus sur Ötzi, « l’homme des glaces » :

http://www.hominides.com/html/ancetres/otzi.php