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Henri Troyat

Henri Troyat

Né Lev Tarassov, devenu plus tard Henri Troyat à la demande de son premier éditeur, précoce prix Goncourt (à 27 ans) pour l’Araigne, l’écrivain académicien a vécu quelques temps en Corrèze, à Bugeat, d’où était originaire son épouse d’alors. Il s’est inspiré de son séjour sur les lieux pour son cycle romanesque Les Semailles et les moissons (5 volumes), une des œuvres maîtresses de l’écrivain, au même titre que la série Tant que la terre durera (1). L’action se partage entre la Corrèze, Paris et la Savoie, entre 1910 à 1945.

Troyat est expéditif dans ses descriptions des paysages corréziens; peut être ne l’ont-ils pas inspiré ? En tout cas ses personnages portent des patronymes qui nous paraissent typiquement limousins : Dubech, Eyrolles, Bellac, Mazalaigue, Pradinas, Ferrière, Sénéjoux, Cordier, etc

 

« De la rivière bouillonneuse montait un frais parfum d’herbe et de pierre humide. Derrière les bouquets de hêtres et de chênes, s’étalaient des prairies vertes, spongieuses, coupées de rigoles et hérissées de buissons épineux. C’était la mauvaise partie du pays, où la terre refusait la semence. Cahotant dans les ornières, la carriole gravissait la première côte avec lenteur.

Pour aller au Veixou, il fallait tourner le dos à la campagne vivante. Brusquement le sentier se détachait du terre-plein et plongeait, par paliers, vers une dépression en forme de cuvette. Toujours à cet endroit de la promenade, Amélie éprouvait le sentiment qu’elle entrait dans un domaine d’hostilité, de mystère et de haine.

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Elle avait besoin d’errer longtemps dans la campagne pour fatiguer son corps et apaiser son esprit. De gros nuages de lait pesaient sur la ligne ondulée des collines. Les fougères du talus laissaient pendre leurs palmes aux bords roussis. La bruyère mauve poussait par bouquets hors des nids de cailloux et de mousse. Il faisait frais. Le soleil ne perçait pas la brume …

La faucheuse fut attachée par des cordes de gros chanvre à l’arrière de la carriole. Avec ses hautes roues de fer, peintes en bleu, sa chaîne, ses dentelures, ses engrenages, son siège perforé, en forme de cuvette, et son sabot rabatteur, cette mécanique compliquée et absurde faisait songer à quelque insecte destructeur grossi par le jeu d’une loupe.

 

Le voyage de Paris à Limoges avait duré vingt deux heures. Elle éprouvait encore le roulement, le tressautement des roues dans ses reins. Aux passages à niveau, aux ponts, aux postes d’aiguillage, des hommes chenus et graves, képi sur la tête et brassard sur la manche, montaient la garde, appuyés sur de vieux fusils. On s’arrêtait en rase campagne pour laisser passer de lents convois militaires, marqués d’inscriptions à la craie : Train de plaisir pour Berlin ! … vive la France ! … Par les portières des wagons à bestiaux, se penchaient des grappes de jeunes gens aux faces rougeaudes. Ils brandissaient des bouteilles … »

Le récit de la découverte du site gallo-romain des Cars, proche de Bugeat (le site, connu depuis longtemps, a été fouillé par Marius Vazeilles entre 1937 et 1939, puis après la guerre ; il s’agissait donc d’un évènement contemporain au séjour de Troyat dans la région) :

– D’après ce que nous avons pu dégager à l’extrême pointe du terrain communal, dit M. Dupertuis, il s’agissait d’une station balnéaire, composée d’une douzaine de salles, dont subsistent à peine les soubassements. Les foyers extérieurs et les huit premières salles sont de ce côté-ci de la limite. Les deux dernières salles et le bac d’alimentation sont vraisemblablement chez vous.

– C’était donc des étuves ? Demanda Jérome

– Parfaitement, dit M. Langlade. De la cellule de chauffe, une canalisation intérieure conduisait les gaz sous les dallages et dans les murs des différentes pièces, dont les plus rapprochées du foyer étaient chauffées fortement, d’où leur nom de caldarium, et les plus éloignées faiblement, d’où leur nom de tepidarium

– mais qui étaient-ils, ces gens-là ? Des romains ?

– des gaulois colonisés par les Romains et gagnés à leurs habitudes d’hygiène, de religion et de confort, dit M. Langlade. Il existe de nombreuses stations gallo-romaines dans le département. Mais comme celle-ci, elles ont été en majeure partie détruites aux époques mérovingiennes et carolingiennes.

 

Les semailles et les moissons, tome 1, 1953

(1) Tant que la terre durera, les semailles et les moissons, le froid et le chaud, l’hiver et l’été ne cesseront de s’entre–suivre (citation de La Bible)

Ils ont passé en Corrèze

Ils ont passé en Corrèze

Célébrités ayant séjourné en Corrèze

Colette : après sa rencontre avec Henri de Jouvenel, elle passe de longs moments en Corrèze, à Castel Novel, le château des Jouvenel. En 1913, à 40 ans, elle donne naissance à sa fille, prénommée Colette et surnommée « Bel Gazou »; laquelle restera durant les années de guerre à Varetz sous la surveillance d’une nurse, sa mère ayant regagné la capitale. Elle reviendra en Corrèze, à Curemonte cette fois, au moment de la débâcle, à l’été 1940, durant lequel elle séjournera chez sa fille, dans un des deux châteaux appartenant aussi aux Jouvenel.

Malraux : en décembre 1942, il s’installe avec son épouse du moment, Josette Clotis, à St Chamant. Après l’arrestation de deux de ses frères, il entre dans le maquis en 1944 sous le pseudonyme de « Colonel Berger ». Son épouse mourra tragiquement dans un accident, happée par un train en gare de St Chamant…

Henri Troyat : il fit de nombreux séjours à Bugeat d’où était originaire son épouse. Le village et ses habitants auraient fortement inspiré sa série « Les semailles et les moissons », parue en 1953

Hillary Clinton : en 1998, Mme Clinton se rend sur les terres de Bernadette Chirac où elle va découvrir le fonctionnement de la démocratie locale en visitant le conseil général puis le canton de Corrèze. Une belle opération de com de la part de Bernadette Chirac