Catégorie : HISTOIRE

Henri Queuille, homme de progrès

Henri Queuille, homme de progrès

Partisan résolu du progrès, Henri Queuille aura été guidé toute sa vie durant par cette idée que le bien être des populations et la diffusion des avancées techniques les plus modernes étaient indissociables l’un de l’autre. Mais il n’est pas réductible à ce seul raccourci. On peut déceler chez lui a posteriori bien d’autres qualités :

– l’honnêteté et la tolérance, avec le souci permanent de rechercher l’information juste, sans sectarisme. Ses interventions à la chambre sont toujours mesurées et argumentées.

– le bon sens et une faculté de discernement dont il fera preuve à maintes reprises dans ses fonctions de ministre

– une connaissance approfondie des hommes et de l’économie réelle qu’il acquiert durant sa première vie de médecin de campagne

– le courage : il en fera preuve durant les deux guerres mondiales, en s’engageant à chaque fois bien au-delà du minimum attendu

Après sa scolarité à Tulle au lycée Edmond Perrier, il entreprend à partir de 1902, des études de médecine, qu’il devra interrompre prématurément du fait du décès soudain de sa mère au début de l’année 1907. Cet évènement imprévu l’oblige à se rendre disponible pour soutenir sa famille, en particulier sa jeune sœur Marguerite. Malgré ce nouveau coup du sort (qui fait suite au décès de son père survenu en 1995 alors qu’il n’a que 11 ans), il obtient son doctorat et va dès lors s’installer comme médecin généraliste à Neuvic et ainsi exercer sa profession de médecin de campagne à Neuvic et dans les environs.

Son intérêt pour la chose publique qu’il démontre en s’impliquant dans des actions de promotion touristique de la vallée de la Dordogne au travers d’un syndicat d’initiative (dès 1905 !) et par son investissement dans des activités locales telles que la fête de la Bruyère, va peu à peu prendre de l’importance et l’amener à se lancer en politique. Ces activités associatives lui ont sans doute permis de se rôder en tant qu’orateur, qui doit à la fois séduire et convaincre. Il a à l’évidence quelques aptitudes dans ce domaine, c’est en tout cas ce que disent les journaux locaux comme La Petite Gironde et Le Facteur qui ne tarissent pas d’éloges sur la prestance et l’empathie de ce conférencier :

Il trouve quand même le temps de se passionner pour des choses plus palpitantes et il se marie en 1910 avec une jeune Bordelaise, née à Meymac, Marguerite Gratadour. Ils auront deux enfants ensemble.

Dès 1912, il entame véritablement sa carrière politique en devenant maire de sa commune. Il a alors 28 ans et hormis une interruption décidée par le régime de Vichy, il restera à ce poste jusqu’en 1965, soit pendant 53 ans !

L’année suivante, il est élu conseiller général du canton de Neuvic.

Et il devient député en 1914 !

En deux ans, il vient de construire l’ébauche d’un très long parcours politique.

I – Henri Queuille et la politique

La première élection d’envergure, c’est celle de 1913 au Conseil Général.

Puis en 1914, ce sont les législatives. C’est une élection serrée et confuse puisque on dénombre 3 candidats rattachés au parti radical-socialiste mais appartenant sans doute à des branches différentes de ce parti alors en cours d’unification.

Toujours est-il qu’il faut le désistement au second tour de M. Delmas, pourtant député sortant et arrivé en tête au premier tour pour qu’Henri Queuille l’emporte sur le maire d’Ussel, un radical socialiste lui aussi.

Et puis la guerre survient qui va durer un peu plus de 4 ans.

Après avoir été nommé médecin-major en août 1914, Henri Queuille s’engage et est affecté pendant quelques mois près du front, en Meurthe et Moselle en tant que médecin-chef.

En 1915, il reviendra pour siéger à la Chambre comme l’exige le gouvernement d’alors. Il sera de nouveau appelé par l’armée en 1916, toujours en tant que médecin, à Verdun puis sur la Somme. Il sera décoré de la croix de guerre cette même année.

La guerre enfin terminée, il reprend pleinement son activité de parlementaire et se positionne dans une instance du Parlement, le bureau de la Chambre, dont le rôle, avant tout administratif, est d’organiser et de diriger les travaux internes. Une façon d’être au plus près de l’action parlementaire, d’en comprendre les rouages, une façon aussi de gagner en notoriété.

Un an après la guerre, les Français sont appelés à élire leurs députés avec un mode scrutin nouveau, mélange de proportionnelle et de scrutin majoritaire plurinominal (on vote pour une liste de candidats). Henri Queuille porte à cette occasion la bannière des Radicaux-Socialistes et entame un second mandat. La nouvelle chambre élue est composée de nombreux combattants et sera, de ce fait, baptisée la « chambre bleu-horizon », appellation reflétant en même temps la volonté alors majoritaire de conserver la cohésion nationale qui prévalait durant la guerre.

Au tout début de l’année 1920, le tandem formé par R. Poincaré et G. Clémenceau, figures emblématiques de cet esprit de résistance, va être remplacé par P. Deschanel et A. Millerand. Ce dernier va accéder à la Présidence du Conseil et diriger un gouvernement dans lequel Henri Queuille fera son apparition à un poste de sous-secrétaire d’État à l’Agriculture. C’est un domaine qu’il connaît bien : à l’époque, la France est un pays majoritairement rural1 et le métier de médecin qu’il exerce dans les campagnes neuvicoises, lui permet d’être au plus près de cette population de la France profonde où la prédominance de l’activité agricole est encore plus forte qu’ailleurs.

C’est le début de sa longue carrière ministérielle.

1 – Au début du siècle, les ruraux représentent 54 % de la population (Bulletin de l’Académie Vétérinaire, 1987)

Ses attributions seront dans un premier temps limitées puisqu’il n’est pas ministre à part entière.Il avait exprimé quelques années auparavant – en 1916 – la nécessité du reboisement du pays. La première de ses attributions répond à son souhait …

Il n’est pas reconduit dans ces fonctions dans les ministères Briand et Poincaré qui se succèdent de 1921 à 1923. Mais les élections législatives suivantes, en 1924, vont porter au pouvoir le « cartel des gauches » avec un parti radical-socialiste qui passe de 86 à 118 députés et va alors peser de tout son poids sur la politique Française. Vont ainsi se succéder aux manettes, E. Herriot, P. Painlevé, A. Briand, R. Poincaré et d’autres. La fonction de président du Conseil est quand même instable du fait des changements d’alliances et certains ne restent en place que quelques jours !

Henri Queuille va occuper avec une grande régularité le poste de ministre de l’agriculture, un domaine qu’il connaît bien de par ses origines et sa profession.

Malgré les changements fréquents de gouvernements, sa carrière ministérielle ne s’interrompra jamais bien longtemps. Dans les années 30, il exercera ses talents dans d’autres ministères : Postes, Santé et sports, Travaux Publics. Il conduira les négociations qui aboutiront à la création de la Sncf par regroupement et fusion des opérateurs privés. Après la seconde guerre, il accédera au poste de président du Conseil. Et lorsqu’il n’exercera pas cette charge, il conservera son pouvoir d’influence en tant que vice-président du Conseil jusqu’en 1954.

Devenu une sommité politique, il sera convié à de nombreuses rencontres au plus haut niveau. Avec son épouse, qui se fera remarquer par … sa grande discrétion :

De temps en temps, il abandonnera sa casquette de chef de gouvernement pour redevenir un simple médecin, plein de bons conseils et en lutte contre toute forme de dopage, travers apparemment assez courant chez les politiques, qui recourent à ces produits pour résister à la pression de leur fonction. [ le Corydrane et l’Orthédrine, produits cités dans le corps de l’article, sont des stimulants à base d’amphétamines … ]

Henri Queuille est aussi, c’est moins connu, un caricaturiste amateur, qui prend plaisir à croquer ses collègues de l’assemblée, ce qui, dit-il, lui permet de deviner le fond de leurs pensées :

Les banquets sont une tradition presque institutionnelle durant la 3ème République. Chaque réunion, chaque manifestation ou inauguration sont l’occasion d’un regroupement de tous les participants autour d’une table bien garnie. Et quelques orateurs délivrent la bonne parole à l’assemblée après que tout le monde ait goûté les meilleurs plats régionaux.

Un rituel qui remonterait à la fête de la Fédération en 1790 et même … jusqu’aux Gaulois, si l’on en croit les auteurs d’Astérix, R. Goscinny et A. Uderzo

II – Les sujets majeurs

II A – Modernisation du secteur agricole :

Il connaît sur le bout des doigts les problèmes de l’agriculture et des agriculteurs et il a des idées bien précises quant aux remèdes à appliquer pour améliorer les conditions d’existence de cette population qui représente alors plus de 50 % de la population totale. Les problèmes sont multiples et une modernisation en profondeur est nécessaire : des améliorations matérielles pour l’essentiel, sans oublier, c’est de la plus haute importance, les travailleurs des champs tentés par les emplois de l’industrie alors que la profession manque déjà de bras; d’autant que la guerre qui vient de s’achever a éclairci leurs rangs …

Dans un discours auprès de l’académie d’Agriculture en février 1925, il passe en revue les obstacles à lever :

– il faut, en premier lieu dit-il, augmenter le volume de travail, ce qui implique de disposer d’une main d’œuvre abondante. La première priorité est de limiter l’exode vers les villes qui vide petit à petit les campagnes; pour cela, il est essentiel de rendre le métier d’agriculteur plus attractif en facilitant notamment l’accès à la propriété des exploitants, en leur offrant des possibilités de crédit ainsi que des dispositifs d’assurances contre les risques inhérents à la profession.

– augmenter les rendements par l’utilisation accrue des engrais chimiques et des semences à fort rendement, le rôle du politique étant de garantir l’approvisionnement de ces produits en quantités suffisantes,

– réduire tout ce qui entrave la productivité : faciliter la circulation sur les chemins, amener l’électricité dans les fermes, multiplier les adductions d’eau potable, promouvoir l’assainissement et l’irrigation,

– mécaniser l’agriculture,

– développer l’enseignement agricole de façon à substituer la science à l’empirisme afin d’avoir des acteurs compétents dans leur domaine. Ces écoles d’agriculture doivent aussi former aux métiers nouveaux, tels que ceux qui se développent au sein des coopératives agricoles,

– juguler les épidémies qui menacent le cheptel bovin, développer la prophylaxie.

Il fera part de son diagnostic et des remèdes qu’il propose à chaque fois qu’il en aura l’occasion :

Tous les leviers susceptibles de contribuer à l’amélioration des rendements sont actionnés :

– Les engrais et les semences : les surfaces cultivées ont tellement diminué après la première guerre que la production de céréales devient insuffisante. Pour remédier à la diminution de production qui en résulte, il est indispensable d’augmenter les rendements. Un moyen d’y parvenir est d’utiliser en masse des semences sélectionnées et des engrais.

Sur ce second point, le prix exorbitant des phosphates venant d’Afrique du Nord est un obstacle à ce plan. Henri Queuille préconise en quelque sorte d’encadrer les prix des phosphates afin de contourner cette situation de blocage.

– L’hygiène indispensable des élevages qui passe par un renforcement de l’action des vétérinaires.

– L’enseignement agricole contribuera à rehausser le niveau de connaissances des agriculteurs confrontés aux progrès des techniques agricoles et doit donc être développé ; un financement inattendu est mis à contribution :

– Les chambres d’agriculture deviendront ainsi un des opérateurs privilégiés pour tout ce qui touche aux réseaux, eau ou électricité :

II B – Action pour les mutilés de guerre

Juste après guerre, Henri Queuille a assuré la présidence de la Commission de rééducation de l’Office national des mutilés. Il est évident que son engagement en tant que médecin durant le conflit l’a sensibilisé à ce sujet. Il a mis ses idées en application en créant un établissement spécialisé à Neuvic et à Ussel (voir le chapitre suivant)

II C – Barrages et électrification

Son soutien à l’électrification et l’édification de barrages sur la Dordogne sera une constante chez lui. On trouve trace de ses très nombreuses interventions en faveur de la « Houille blanche » à la Chambre, en 1919 par exemple, à l’occasion de débats parlementaires ou lors de la décision prise la même année de créer des Chambres d’Agriculture (ci-dessus). Il s’agit d’amener au plus vite la fée électricité dans les zones les plus reculées pour en faire profiter leurs habitants et pour les besoins de la profession agricole. À l’évidence, il voit bien que le Massif Central et la vallée de la Dordogne disposent d’un potentiel considérable, peut être du même niveau que celui des vallées Alpines.

La difficulté est double :

– éviter la multiplication de projets de petite taille dont l’efficacité serait incertaine ;

– financer des travaux gigantesques alors qu’il n’existe pas d’opérateur de taille en matière d’énergie.

C’est le besoin exprimé par les compagnies ferroviaires – Compagnie Paris-Orléans et la Compagnie du Midi – qui souhaitent électrifier leurs lignes, qui va débloquer la situation et initier la construction de barrages sur la Dordogne; Marèges sera le premier ouvrage de taille à voir le jour au milieu des années 1930. Mais tout ne va pas sans mal et le chantier du barrage sur le Chavanon, affluent de la Dordogne, qui aurait dû être haut de 80 m, sera finalement abandonné.

Cette production d’électricité profitera au pays mais aussi à la région; elle pérennisera la liaison ferroviaire, favorisera l’industrialisation du secteur, et constituera une alternative au tout charbon. Et c’est une énergie renouvelable !

Encore faut-il amener l’électricité jusqu’aux citoyens-consommateurs, y compris dans les villages reculés !

Pour atteindre cet objectif, Henri Queuille va actionner un des leviers à sa disposition : les services du Génie Rural, une administration de son ministère chargée des études préparatoires aux travaux d’extension des réseaux, ce qui inclut la distribution de l’électricité.

II D Tourbières et fabrication du charbon de bois

Si l’exploitation des tourbières du plateau de Millevaches restera à l’état de projet jamais vraiment abouti, il en ira autrement avec le charbon de bois. Il s’agit de faire émerger un substitut au pétrole et au charbon, sources d’énergie dont la région du Limousin est bien dépourvue, au contraire du Nord et de l’Est de la France, riches régions minières. Comme d’autres territoires, le Limousin a des forêts denses et de ce point de vue, un potentiel inexploité.

Le développement de l’énergie « charbon de bois » sera un des combats qu’il mènera durant deux décennies. Il participera à de nombreuses expositions de matériels roulants adaptés à cette source d’énergie et ne manquera jamais une occasion de rappeler qu’il s’agit véritablement d’une richesse nationale, de son point de vue sous-estimée. Tant l’agriculture que les armées sont des institutions susceptibles d’utiliser de tels matériels et Henri Queuille ne se fait pas faute de faire passer le message. Il donnera d’ailleurs lui-même l’exemple lors de la campagne des sénatoriales de 1938, lors desquelles il sillonnera les campagnes d’Ussel et Neuvic au volant d’un véhicule à gazogène.

Et durant l’occupation, il exploitera un petite unité de fabrication de charbon de bois sur la commune de Sérandon, dans le bois de Fleix. Cet épisode lui laissera un souvenir particulier puisqu’en sciant du bois, il s’entaillera deux doigts, une mésaventure que rapportera la plume de Paul Guth dans Le Figaro Littéraire.

– Un petit aparté sur les gazogènes –

Le bois est composé de lignine et de celluloses, des polysaccharides dont le squelette est constitué de macromolécules à base de carbone, à hauteur de 50 %, d’oxygène et d’hydrogène.

La combustion du bois produit donc en première intention du dioxyde de carbone, CO2. Si par contre on chauffe le bois à haute température tout en limitant la quantité d’air participant à la réaction, il se forme du monoxyde de carbone (CO) sous forme gazeuse, susceptible d’alimenter un moteur thermique classique, en lieu et place de l’essence. Si en outre, on injecte de façon contrôlée un peu d’eau sur la masse solide en combustion lente, on fabrique encore du CO ainsi que de l’hydrogène qui vient enrichir le mélange gazeux.

Le bois peut être utilisé tel quel sous réserve d’un minimum d’homogénéité des essences utilisées et doit être mis aux dimensions convenables sous formes de bûchettes. Une autre possibilité est de le transformer au préalable en charbon de bois, plus léger et de densité énergétique supérieure.

Les deux technologies co-existent. Le bois peut être utilisé dans les camions où le problème de poids n’est pas un handicap tandis que le charbon de bois sera plutôt utilisé pour les voitures. C’est le cas dans le gazogène équipant les véhicules de la marque Panhard-Levassor (doc datant de 1927) :

II E – Le reboisement

Le reboisement timidement amorcé en 1827 avec la promulgation du code forestier, poursuivi sous Napoléon III, est jugé insuffisant d’autant que les zones ravagées par la guerre ont été durement affectées. Les politiques considèrent qu’il y a urgence à lutter contre le déboisement de crainte qu’il finisse par prendre le dessus sur le reboisement. Le ministère de l’agriculture est à la manœuvre :

II F – Crédit agricole, chemins ruraux et irrigation

Hormis ces grands dossiers, l’agriculture touche à de nombreux domaines. Les moyens de financement sont un outil important auquel les agriculteurs doivent pouvoir accéder et Henri Queuille y contribuera en donnant un nouvel élan au Crédit Agricole; il présidera d’ailleurs la Caisse Nationale de Crédit Agricole de 1936 à 1940 puis de 1947 à 1960 ainsi que la Confédération Nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit entre 1935 et 1959.

Les chemins ruraux feront l’objet de toute son attention ; ce n’est pas un sujet si anodin qu’il y paraît car au moment où l’on veut développer la mécanisation agricole, il est nécessaire de s’assurer que ces engins puissent circuler jusqu’à leurs lieux de travail. D’où la nécessité d’avoir des chemins carrossables !

L’adduction d’eau qui conditionne l’assainissement et l’irrigation seront deux autres sujets auxquels il consacrera du temps et de l’énergie.

II G – L’autre ministre, le froid et autres hobbys

Quand le ministre Queuille changera de portefeuille dans les années 30, il traitera d’autres dossiers ; le plus emblématique sera celui de la Sncf. L’endettement des 5 grandes compagnies qui exploitent chacune leur réseau est l’occasion pour l’État d’opérer une fusion et une nationalisation. C’est Henri Queuille qui mènera les négociations à l’issue desquelles l’État deviendra actionnaire à 51 % du nouvel ensemble.

Durant ses temps libres (…), il préside l’AFF (association Française du froid) et s’efforce de promouvoir les techniques frigorifiques. Il organise en 1955 le congrès international du froid.

Et, c’est moins connu, il présidera également la société nationale d’horticulture entre 1946 et 1959 et recevra d’ailleurs une décoration (sans doute méritée) pour son action continue à la tête de cette association. Une variété de rose portera même son nom en 1952 …

III – L’action locale

Henri Queuille est un élu solidement implanté localement. Son action à la Chambre ou en tant que ministre ne saurait lui faire oublier ses concitoyens et ses électeurs. Il sait utiliser les leviers qu’il a à sa disposition en tant que ministre pour faire aboutir des projets qui lui tiennent à cœur.

III A – le tourisme

Très tôt, il s’est consacré à promouvoir le tourisme en Corrèze, en vantant les attraits des gorges de la Dordogne. La rivière qui n’est qu’à quelques kilomètres de Neuvic et qu’il connaît donc bien, est, à l’époque, encore plus sauvage qu’aujourd’hui où les grands barrages ont transformé profondément ces sites. Il est à l’origine de la création d’un syndicat d’initiative local en 1905 alors qu’il n’a pas encore terminé ses études !

III B – École de rééducation des mutilés de guerre

– École de rééducation professionnelle des mutilés de guerre, spécialisée dans la fabrique de jouets,

– École des métiers et de l’artisanat rural;

– École d’agriculture.

Tous ces établissements ont reçu à un moment ou à un autre, l’appui du maire, du conseiller général ou du ministre, voire même peut être des trois à la fois. Henri Queuille est directement à l’origine des deux premiers qui sont le prolongement de son action pour la réinsertion des mutilés de guerre. Et il a participé à la modernisation du troisième; l’établissement actuel porte d’ailleurs son nom.

Et une petite industrie de fabrication de jouets en bois se développe, qui utilise les compétences artisanales acquises par les mutilés et les veuves de guerre. Le jeu ci-dessous, exposé au musée Henri Queuille de Neuvic, ne nécessite pas de longues explications pour en comprendre les règles :

III C – Inauguration du lycée agricole en 1927

Édouard Herriot est une figure historique du parti radical, plusieurs fois président du Conseil, président de la Chambre, académicien, maire de Lyon ; bref, une pointure qui vient en ami d’Henri Queuille et un peu en voisin. Il visitera l’atelier de fabrication de jouets en bois.

III D – Fête du Lac de Neuvic

La construction du barrage sur la Triouzoune, un affluent de la Dordogne, au début des années 1940 a crée un vaste plan d’eau de 400 hectares qui est devenu rapidement un pôle d’attraction touristique. Henri Queuille qui a sans doute œuvré pour la réalisation de cet ouvrage, a participé activement aux premières fêtes organisées sur ce site magnifique et semble avoir pris du plaisir à suivre une course pas comme les autres :

III E – Barrages sur le Chavanon et sur la Diège

Ces sites hydroélectriques sont suivis de près par le ministre-conseiller général. Les travaux sur le Chavanon entamés au début des années 1922 sont interrompus en 1926, faute de financement semble-t-il. Il est vrai que le site de Marèges est bien plus prometteur avec une production potentielle 5 fois supérieure selon les estimations des projets établis à l’époque. Le barrage des Chaumettes sur la Diège, inauguré en 1928, est l’un des tous premiers sur le bassin de la Dordogne.

III F – Inauguration du barrage de Marèges

C’est le premier des grands barrage sur la Dordogne. Le premier à mettre à l’actif d’André Coyne qui en assuré la conception originale et novatrice avec son profil en voûte à double courbure ; sa forme en arc de cercle reporte la poussée des eaux sur les appuis constitués par les flancs de la vallée et permet d’obtenir au final un ouvrage « allégé » avec des parois très fines. Autre innovation bien visible : les évacuateurs de crues en forme de « saut à skis » qui permettent de rejeter l’eau excédentaire loin des bases du barrage et en évitent ainsi l’érosion. Il sera aussi le « père » des barrages de l’Aigle et de Bort les Orgues.

Depuis 90 ans maintenant, Marèges produit de l’électricité, c’est dire si les installations sont largement amorties !

III G – En campagne électorale 1932

Le Petit Parisien est manifestement tombé sous le charme conjugué de la Corrèze et de M. Queuille … et celui-ci sera réélu en battant largement Marius Vazeilles. Ce dernier deviendra député à l’occasion de la législature suivante, celle dite du « Front Populaire »

En 1935, au décès inattendu d’Henry de Jouvenel, Henri Queuille deviendra sénateur.

III H – Inauguration de la Poste d’Ussel et le groupe scolaire Jean-Jaurès en 1938

Est-ce l’approche des élections sénatoriales qui doivent avoir lieu au début de l’année 1939 qui est à l’origine de ce déploiement de ministres et d’élus ? Même s’il n’y a pas de photo pour le confirmer, on apprend incidemment qu’il y avait alors une miss Ussel, une coutume qui semble avoir disparu depuis lors !

IV – L’homme

L’homme politique Queuille se distingue de beaucoup d’autres politiques par le souci constant d’avoir une connaissance pointue des sujets à traiter pour en déchiffrer les mécanismes intimes sur lesquels il sera possible d’agir.

C’est aussi un homme ouvert aux échanges, à la recherche du compromis lorsque cela paraît nécessaire, ce qui demande des qualités d’écoute et de dialogue que tout le monde lui reconnaît. M. Queuille, comme le dit Ici Paris au lendemain de sa nomination comme président du Conseil le 14 septembre 1948, « semble fait pour concilier les inconciliables »

On a prétendu qu’il faisait preuve d’immobilisme ou d’indécision. Ce raccourci polémique est trompeur car rien n’est plus faux.

Lorsqu’il est nommé à la tête du gouvernement en septembre 1948, il ne se défile pas devant les difficultés, au contraire. L’état désastreux des finances nécessite des mesures fortes, donc forcément impopulaires. Pour autant il n’hésitera pas à mettre en œuvre un grand plan d’austérité car la sauvegarde de la monnaie et le retour à l’équilibre budgétaires sont en jeu. Le redressement des finances ainsi initié auquel vient s’ajouter un emprunt d’envergure permettront en outre de débloquer les fonds du plan Marshall. L’inflation qui avait atteint des sommets (60 % entre 1946 et 1948) va retrouver des niveaux moins catastrophiques et redescendre jusqu’à 3% en 1949 !

Voilà comment en parlent deux personnalités politiques de renom qui l’ont côtoyé de près :

– Antoine Pinay qui fut son collaborateur, témoigne de ce qu’il a vu : « Il a eu (Henri Queuille) le courage de prendre la responsabilité du gouvernement alors que les lourdes ruines de la guerre étaient d’autant plus difficiles à redresser que la situation financière était particulièrement dégradée. Dans ces circonstances, le président Henri Queuille a fait preuve d’une grande compétence, d’une grande fermeté, d’une grande autorité et a su, par son habileté et sa gentillesse, gagner des concours et des dévouements exceptionnels. »

– Comme l’écrira avec admiration Edgar Faure, qui fit son entrée au Gouvernement pour la première fois en février 1949 en succédant à Maurice Petsche au poste de sous-secrétaire d’État aux Finances, « le prétendu immobilisme de M. Queuille et la prétendue orthodoxie de M. Petsche ont gagné la Marne du franc »

M. Queuille est un patriote. Il l’a démontré durant la première guerre mondiale par son engagement total. Et lorsque le destin basculera de nouveau à partir de 1939, il répondra présent ; et toute sa famille avec lui ! Et en 1943, il rejoindra la France Libre et répondra au souhait du Gal De Gaulle de l’avoir à ses côtés pour contribuer à la lutte.

Un homme sensible au rôle primordial des femmes dans la société :

Lorsque Henri Queuille abandonne l’habit de la politique, il se révèle comme un homme ordinaire. Un homme comme les autres, soucieux de sa famille, attentif à ses petits-enfants.

Et ce serait même un amateur des romans policiers d’après les potins relayés par les journalistes :

Quelques faits divers sans importance relevant de l’anecdotique :

—ooOoo—

Une chose qui restera en dehors de son record de nominations en tant que ministre, ce sera cette phrase devenue célèbre :

« il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par venir à bout »

Sans que l’on sache à quelle occasion il l’aurait prononcée… Cette phrase – reproduite sur un des murs du musée dédié à Henri Queuille à Neuvic – peut s’interpréter de plusieurs façons et on peut en faire une lecture à différents niveaux. Une formulation qui signifierait peut être (interprétation personnelle) que le facteur temporel peut jouer un rôle souterrain plus important qu’on ne le pense, sans pour autant s’interdire de toute action volontariste de régler le problème qui se pose à l’individu ou à l’homme politique. À moins qu’elle n’illustre une forme de découragement désabusé devant une situation compliquée et inextricable ? Un moment de désillusion passager peut être, face à une difficulté imprévisible ?

 

Sources :

– Site Internet de la BNF (Gallica)

– Musée Henri Queuille

Henri Queuille, président du Conseil

Henri Queuille, président du Conseil

 

Parti pour rejoindre de Gaulle à Londres en avril 1943, Henri Queuille va se voir confier une première responsabilité qui est de présider une commission dite du « Ravitaillement et du Débarquement » ce qui est une façon d’anticiper les évènements à venir.

En juin 1943, dans le prolongement de ce travail, il est appelé à participer activement au fonctionnement du tout nouveau Comité Français de Libération Nationale, le CFLN, organisme reconnu par les alliés comme représentant les Français qui combattent l’Allemagne. Ce comité est au départ co-dirigé par le Général Giraud et de Gaulle.

Henri Queuille rejoindra l’Afrique du Nord un peu plus tard pour intégrer cette instance dont le général de Gaulle finira par prendre le pouvoir, en évinçant Giraud, trop lié aux Américains. Il présidera même ce comité lorsque de Gaulle ne sera pas en mesure de le faire, comité qui deviendra, juste après le débarquement, le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF).

Il se retirera de cette instance fin août 1944, sans doute en désaccord sur le fond avec le général de Gaulle.

Henri Queuille va retrouver son mandat de maire en novembre 1944 mais va rester à l’écart de la politique, au niveau national s’entend, tout le temps que le gouvernement provisoire reste en place.

Fin 1946, la constitution est modifiée et on passe sous le régime de la 4ème République. Qui n’est pas si différente de la précédente au final : un Président gardien des institutions, un Président du conseil qui exerce le véritable pouvoir, une assemblée parlementaire toute puissante et une élection à la proportionnelle. Le Sénat a disparu au profit du Conseil de la République dont les attributions sont moindres. Ce système favorisera ce qu’on appelle le régime des partis, appelés à former des coalitions de façon à obtenir la majorité à la chambre. Dans ce jeu d’alliances, les gaullistes et autres républicains de droite et, de l’autre côté, les communistes, seront exclus de ces combinaisons et tout finira par se jouer entre trois partis du centre de l’échiquier : radicaux-socialistes associés à l’UDSR (F. Mitterrand en sera le président après 1953), socialistes (SFIO) et MRP (Mouvement républicain populaire, parti qui garde des liens avec de Gaulle)

Aux élections qui suivent au mois de novembre 1946 – scrutin particulier en ce sens que pour la première fois que les femmes sont autorisées à voter aux élections législatives – Henri Queuille est réélu député du département de la Corrèze et retrouve sa place à l’assemblée pour un sixième mandat.

Le parti radical-socialiste auquel il appartient est un parti-pivot dans le paysage politique français même s’il ne pèse globalement qu’un peu plus de 10 % des voix ; et lorsqu’il s’agit de constituer des gouvernements à partir de 1947, il fait partie de presque toutes les combinaisons. Henri Queuille est un rouage essentiel de ce petit parti et de ce fait, participe à nombre de gouvernements à partir de 1948 où il redevient ministre par deux fois. Finalement, il succède à André Marie à la présidence du conseil à partir du 12 septembre 1948 jusqu’au 28 octobre 1949, soit pendant près de 14 mois. Un des gouvernements les plus longs de cette 4ème république si instable. Il assurera encore la fonction à deux reprises mais de façon épisodique, du 2 au 12 juillet 1950, puis du 10 mars au 10 juillet 1951.

Il occupera la fonction de vice-président du conseil à 7 reprises entre octobre 1949 et juin 1954, ce qui le confirme bien comme quelqu’un d’incontournable dans ces combinaisons successives.

En devenant président du Conseil, il concentre les critiques dont les plus virulentes viennent principalement de la gauche communiste, majoritaire à l’assemblée, au travers de son quotidien emblématique, l’Humanité, mais aussi Franc-Tireur et d’autre part de la presse conservatrice, représentée par l’Aurore ou Paris-Presse par exemple.

Les extraits de journaux reproduits sur les pages suivantes retracent les évènements, petits et grands, de cette période qui voit de nombreux changements tant en France que dans le reste du monde, avec la montée en puissance de l’Urss, l’arrivée de Mao au pouvoir, la création de l’Otan et les prémisses de ce qui deviendra l’UE.

Une période de changements profonds dans tous les domaines.

I – en France
 

En septembre 1948, Robert Schumann échoue, faute d’investiture par le parlement, à prendre la suite de l’éphémère gouvernement d’André Marie.

Henri Queuille est alors sollicité par le Président de la République pour leur succéder. Il va dans un premier temps, constituer un gouvernement représentatif des forces en présence au sein de la coalition centriste, en créant au passage quelques nouveaux secrétariats d’État : celui de la Fonction publique mais aussi et surtout, ceux dédiés aux Finances, au Budget et au Trésor, ce qui montre la priorité qu’il donne à la maîtrise des comptes publics, lui-même cumulant son poste de président du Conseil avec celui de ministre des Finances

Les différents partis de la coalition (SFIO, MRP et radicaux) sont représentés dans le nouveau gouvernement de façon proportionnée aux résultats obtenus à l’élection législative de novembre 1946. Les communistes bien que disposant de la majorité relative avec 30 % des députés, sont exclus du pouvoir. À noter la présence de l’UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance), petit parti que dirigera d’abord R. Pleven puis F. Mitterrand après 1953.

 

Le budget : un casse-tête permanent pour lequel Henri Queuille sollicite l’éclairage du professeur Auguste Piccard, le Tournesol de Hergé, convoqué pour la circonstance. Pour comprendre l’allusion, il faut se souvenir qu’à l’époque, le Pr Piccard a entrepris d’explorer les fonds marins avec son bathyscaphe

Dès le début de sa gouvernance, Henri Queuille doit prendre des décisions drastiques pour rétablir l’équilibre budgétaire … Décisions plutôt bien accueillies dans l’ensemble.

Ce qui n’est pas l’avis de la presse communiste :

En janvier 1949 et pour compléter cette série de mesures qui vont avoir pour effet de stabiliser l’économie et réduire l’inflation, un grand emprunt est lancé à l’initiative de Maurice Petsche. Même si l’initiative reçoit un accueil favorable dans l’ensemble puisqu’elle évite le recours à l’impôt et peut contribuer à limiter la hausse des prix, tout le monde n’applaudit pas et certains y voient même quelques irrégularités malvenues …

Toujours est-il que 1949 sera une année de forte décrue de l’inflation qui va passer de 60 % à moins de 10 %. Plusieurs explications peuvent être proposées dont l’accroissement continu de la production agricole ou industrielle qui permet enfin de satisfaire la demande ; et la politique suivie par le gouvernement n’y est sans doute pas étrangère …

À peine installé à Matignon, Henri Queuille est confronté à une série de grèves qui affecte le secteur des mines à l’automne 1948. Une revalorisation des salaires jugée nettement insuffisante en période de forte inflation est à l’origine d’un mécontentement croissant des mineurs dont les syndicats, la CGT en tête, vont soutenir l’action. Comme en 1947, une crise profonde secoue le pays jusqu’à provoquer même l’intervention de l’armée et mettra du temps à se dénouer. Le gouvernement et son ministre de l’intérieur Jules Moch voient dans cette crise l’influence occulte du parti communiste et de la CGT et redoutent la réédition de ce qui s’est passé en Tchécoslovaquie en février1948 où ce parti a pris le pouvoir dans une situation troublée et poussé à la démission le président Benès. Les discours officiels sont en tout cas sans ambiguïté quant à l’origine des désordres.

À l’international, la situation est devenu confuse depuis un moment en Indochine où une guerre d’indépendance a démarré en 1946. Le général Leclerc a alerté les gouvernements successifs de la 4ème république sur l’impasse que constituait une intervention militaire, sans être écouté. En 1949, l’idée qui s’impose est de constituer une force politique et militaire centrale capable de s’opposer aux troupes d’Ho Chi Minh qui contrôle le nord de la péninsule ; cette force serait organisée autour d’un descendant de l’empereur, le prince Bảo Đại…

En route vers ce qui sera l’Union Européenne : en parallèle de la création de l’Otan, les Européens entendent s’organiser. Le presque inamovible ministre des Affaires Étrangères de l’époque, Robert Schuman, est à la manœuvre :

Son collègue du ministère de l’Intérieur est nettement moins enthousiaste et redoute la duplicité jamais démentie des Allemands :

II – Ailleurs dans le monde et à la même époque (mais ça concernait le monde occidental)

Mao Zedong, affublé du titre de général dans l’article 1 ci-dessous, instaure un pouvoir de type communiste en Chine, en réalité une dictature personnelle assez sanglante. Ce sera le début d’un long règne, interrompu au début des années 60 après l’échec dramatique du Grand bond en avant, à l’origine d’une famine dévastatrice. S’ensuivra un intermède qui verra Liu Shaoqi exercer temporairement le pouvoir. Mais Mao resté maître du parti communiste Chinois reviendra au premier plan quelques années après en instaurant la « révolution culturelle » et en instrumentalisant la jeunesse au travers des célèbres « gardes rouges ». Un épisode à l’origine de plusieurs millions de morts …

Élections Américaines : contre toute attente Truman est réélu alors que son concurrent républicain, Thomas Dewey, était donné largement favori (illustration 2)

Alors que l’Otan commence à peine son existence, l’Union Soviétique expérimente sa propre bombe atomique (illustration 3). C’est le président Truman qui en fait l’annonce. Selon l’Humanité, Molotov le ministre des affaires étrangères de l’Urss, aurait déclaré en 1947 que son pays maîtrisait cette technologie …

Raymond Aron estime que ça ne va pas influer sur la stratégie soviétique tout en ajoutant que ceux qui seraient tentés de penser que les Russes pourraient, après avoir rattrapé leur retard dans le domaine militaire, montrer un visage nouveau et peut être bienveillant, se trompent lourdement !

À la suite de l’approbation par l’Onu d’un plan de partage de la Palestine en novembre 1947, David Ben Gourion proclame le 14 mai 1948 l’indépendance de l’État d’Israël. Quelques heures après à peine, le nouvel état doit faire face à une coalition arabe qui a le plus grand mal à tolérer son existence (illustration 4)

La création de l’OTAN : annoncée par le président Truman lors de sa réélection, en pleine guerre froide, c’est la riposte des occidentaux face au bloc de l’Est, homogène et menaçant. C’est aussi la réponse à l’impuissance structurelle de l’ONU.

Le plan Marshall : une aide financière sans doute non dénuée d’arrières pensées, octroyée par les États-Unis aux Européens. Mme Ève Curie, la jeune sœur d’Irène Joliot-Curie, pense qu’il faut expliquer les choses aux Français et surtout se retrousser les manches sans tout attendre des Américains …

Le 70ème anniversaire de Staline : pour Jacques Duclos qu’on devine en lévitation pendant son discours, pas de doute, Staline est le nouveau messie …

III – Quelques anecdotes sans grande importance mais non dépourvues de saveur

Henri Queuille a ses faiblesses comme tout un chacun et son épouse découvre qu’il a mis les doigts dans le pot de confitures ou plutôt dans son paquet de cigarettes …

Une homonymie à la fois flatteuse et gênante, dont ne sut apparemment pas tirer profit ce brave homme :

Être président du Conseil ne le prémunit ni contre la grippe ni contre la fatigue et il lui arrive ce qui arrive aux gens ordinaires : être malade et empêché de travailler. Généralement, cela oblige à consulter :

Si Henri Queuille se sent rattrapé par son âge alors qu’il a à peine 65 ans, c’est une crainte que nombre de ses successeurs ignoreront : Charles de Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac accéderont au pouvoir sensiblement au même âge pour ne le quitter qu’à 75 ans voire plus.

Mais, même sans ordonnance, un médecin sait faire face en cas de coup de fatigue passager : prendre un remède naturel éprouvé :

Une altercation l’oppose à un futur premier ministre, Chaban-Delmas. Lequel, nous apprend Henri Queuille, passe son temps à faire la grasse matinée et à se pomponner à son lever …

Un coup de plumeau aux conséquences incalculables : ce pense-bête indispensable, cette boussole qu’il avait pris soin de placer au bon endroit pour qu’elle lui identique à tout moment où est le Nord, balayé pour un simple excès de propreté !

Les séances du conseil des ministres peuvent être animées avec des propositions pour le moins inattendues :

IV – Critiques et caricatures : pas d’indulgence ou si peu

Septembre 1948 : le début de la gloire avec sa nomination en tant que président du Conseil

Mais les critiques s’expriment sans retenue dès l’instant où la nouvelle de sa nomination est connue :

Le parti communiste l’a pris pour cible dans le conflit des mineurs :

Boucler le budget est un casse-tête ! Heureusement, tant Henri Queuille que Maurice Petsche ont un plan B : solliciter le père Noël incarné pour la circonstance par Édouard Herriot.

Mais attention, si le remède fiscal est trop violent, le malade risque fort de trépasser :

S’il faut en croire les juristes, la nouvelle constitution ne facilite pas forcément les choses, surtout pour ceux qui ont un peu de bouteille et ont connu et pratiqué la 3ème république

L’inflation record de ces années d’après-guerre entraîne l’envolée des prix et provoque la colère ou les sarcasmes :

La situation inflationniste tendra à s’améliorer en 1949 du fait d’une production agricole revenue à la normale, du fait aussi de l’aide américaine, le plan Marshall

Les élections conditionnent tout pour qui veut accéder au pouvoir … Le bloc centriste espère en un coup de pouce du destin pour se sortir victorieux de ce combat :

À moins que l’arithmétique des combinaisons sauve finalement la mise ?

Pour savourer pleinement cette supposée réponse de Henri Queuille à Vincent Auriol, il faut se remémorer que Jules Moch est polytechnicien …

Qui dit nouvelles élections (la caricature fait référence au scrutin de juin 1951), dit nouvelles combinaisons.

Ce scrutin est particulier car la loi électorale a été modifiée et inclut le système dit des apparentements (les partis peuvent passer un accord avant le scrutin, auquel cas ils remportent l’intégralité des sièges à pourvoir dans un département donné si le total de leurs voix dépasse 50 % des suffrages ; ce système introduisait une dose de majoritaire dans le processus électoral et avait pour utilité, pour ses promoteurs, de bloquer aussi bien le parti communiste que le parti gaulliste alors en pleine ascension … )

Coalition gouvernementale : une recherche permanente de cohérence et d’équilibre :

Rappel et passage de témoin : c’est le cas en mars 1951 où Henri Queuille est chargé pour la 3ème fois de former un gouvernement après l’échec de son prédécesseur, René Pleven. Durant ces quelques mois au pouvoir, il va s’appliquer à préparer les élections du mois de juin (voir plus haut) qui verront de nouveau une victoire du bloc centriste.

Mme Queuille veille au grain, mais que peut-elle faire contre le virus de la politique dont semble être victime son mari ?

En dehors de son pouvoir d’influence, Le Président de la République a peu de compétences mais dispose de la prérogative de nommer le président du Conseil, celui qui, dans la réalité, va exercer le pouvoir. Encore faut-il que cette nomination soit entérinée par le parlement ; ce qui suppose une bonne connaissance des forces en présence à l’assemblée. De 1947 à 1954, c’est Vincent Auriol que tient ce rôle.

Lorsque Henri Queuille est nommé président du Conseil, les caricaturistes vont se laisser aller à une certaine facilité et exploiter son patronyme pour des jeux de mots construits sur son nom : cueillette, cuillerée.

De même, son métier d’origine – médecin – revient régulièrement, surtout lorsqu’il s’agit de critiquer l’austérité du gouvernement ; alors les journaux évoquent toutes les médecines susceptibles d’êtres prescrites par ce « bon docteur Queuille », parfois comparé au Dr Knock de Jules Romains :

N’oublions pas que M. Queuille appartient au parti radical-socialiste et peut prescrire à tout moment un remède souverain qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la célèbre « jouvence de l’abbé Soury »

La politique est affaire de compromis, et quoi de mieux qu’un repas en commun pour aplanir les différends ?

V – Faits divers variés et instructifs

À la même époque, il se passe toujours quelque chose d’intéressant ou de surprenant en France et ailleurs sur la planète. En voici quelques exemples :

– Une expédition en Terre Adélie :

– Naissance du prince Charles en novembre 1948 : l’horoscope paru dans La Presse est quelque peu négatif mais se révélera finalement plutôt inexact, du moins pour ce qui est de la propension à la bagarre … Pour le reste, il faudrait investiguer auprès de Camilla peut être ?

– Cerdan et Piaf

Marcel Cerdan, au sommet de sont art, va décrocher un titre de champion du monde, qui plus est aux États-Unis, ce qui contribuera grandement à sa notoriété.

Ce qui commence aussi à être connu, c’est sa liaison avec Édith Piaf. Une liaison qui s’achèvera tragiquement dans la nuit du 28 au 29 octobre 1949, l’avion qui doit le conduire aux États-Unis s’écrase aux Açores. Le jour même où Henri Queuille quitte officiellement ses fonctions de président du Conseil et passe le relais au MRP Georges Bidault.

-Métrologie : le mètre-étalon vit-il ses derniers jours ? C’est ce que laisse présager l’article suivant qui décrit le changement à venir, celui d’une définition du mètre faisant appel à des mesures de longueur d’onde par interférométrie à partir d’une raie du krypton. Une définition qui deviendra effective en 1960.

– Chantier hors-normes : le creusement du canal de déviation du Rhône à Donzère-Montdragon, aux limites de la Drôme et du Vaucluse : le canal est long de 24 km et c’est à juste titre que les journaux parlent de « chantier du siècle ». Qui a dit : immobilisme ?

– Zoé et Joliot Curie : les travaux de Joliot-Curie, Haut-commissaire à l’énergie atomique, et de son équipe (parmi laquelle Lew Kowarski) aboutissent fin 1948 à la mise au point du premier réacteur nucléaire. Frédéric Joliot est un personnage singulier – quel homme serait capable d’accoler le nom de son épouse au sien ? – prix Nobel, ouvertement pro-communiste, ce qui lui vaudra quelques désagréments et son remplacement comme Haut-commissaire à l’énergie atomique en avril 1950.

Le schéma de principe du réacteur est d’une sobriété confondante ; est-ce si simple que le montre le dessin ou bien s’agit-il de se mettre au niveau du lecteur de base ? Ou encore le souci de ne rien dévoiler de précis sur cette installation ??

– Le feu dans les Landes : un drame épouvantable

–ooOoo–

 

 

 

 

Sources : Journaux d’époque sur le site Gallica (BNF)

Henri Queuille, cet illustre inconnu

Henri Queuille, cet illustre inconnu

Avant de m’intéresser à Henri Queuille, je ne connaissais de lui que le nom et l’image d’un personnage présenté comme indécis et adepte de combinaisons, image véhiculée par la rumeur parfois simplificatrice…

N’ayons pas peur des mots : Henri Queuille fut le premier politique d’envergure de la Corrèze, un acteur majeur dans ce domaine durant l’entre deux-guerres et pendant la 4ème République.

Henri Queuille eut une carrière extrêmement riche et pourtant on ne peut pas dire que la postérité ait identifié en lui un personnage d’exception, loin de là. Et s’il est encore connu, c’est plus comme le symbole d’un certain immobilisme Note 1 dont certains ont bien voulu l’affubler, plutôt inhérent en réalité au système politique de cette époque où va régner le système des partis et les combinaisons. Un système qui va perdurer et se transformer en instabilité presque continuelle sous la 4ème République.

Henri Queuille fut omniprésent durant toute cette période, qui va de 1920 jusqu‘en 1955 ; ministre à de multiples reprises, presque incontournable, il devient finalement chef du gouvernement sous la 4ème République.

Personnalité compétente, soucieuse de bien comprendre le fond des choses – son côté rationnel sans doute, il est médecin – mais pas seulement. Doué à l’évidence pour la négociation et capable de compromis, et apprécié pour cela par tous ceux qui l’ont côtoyé. Cette capacité à débattre pour rechercher le consensus lui a ouvert nombre de portes et lui a permis de régler de nombreux problèmes. La recherche de compromis a bien sûr chez lui des limites que l’on perçoit assez clairement quand on suit son parcours sous l’étiquette radicale-socialiste, un parti que l’on pourrait situer quelque part au centre de l’échiquier avec un léger tropisme vers la gauche, susceptible de s’allier tant avec son flanc gauche que son flanc droit.

Évidemment, si on est à la recherche de faits ou de détails croustillants, on sera largement déçu par le personnage ; car même s’il a été caricaturé, il n’a, à aucun moment, prêté le flanc à la critique et les Gala ou Voici de son époque n’ont jamais relevé chez lui le moindre pas de travers. La modestie est sa marque de fabrique.

1884   Naissance à Neuvic (19). Son père, François, est pharmacien et adjoint au maire de Neuvic, sa mère, Marie-Blanche de Masson de Saint Félix est originaire de Sornac.

1894   10 ans – Le décès soudain de son père en 1895 bouleverse l’équilibre familial. La famille s’installe à Tulle et les deux frères sont scolarisés au lycée qui deviendra le lycée Edmond Perrier, où il fait ses études secondaires

Élève brillant, Henri Queuille obtient le bac en 1902 et entreprend aussitôt après des études de médecine à Paris.

1904   20 ans – Sa mère décède en 1907 ce qui l’amène à interrompre sa préparation à l’internat de médecine. Il termine son doctorat et s’installe en 1908 à Neuvic comme généraliste. Il va exercer pendant 6 ans et se souvient de cette période particulière :

« C’était dur, croyez-moi d’être médecin de campagne à cette époque. Les chemins étaient épouvantables, il n’y avait pas le téléphone et il fallait se déplacer par n’importe quel temps, soit à pied, soit à bicyclette, soit à cheval ! C’est souvent qu’on venait frapper à ma porte, en pleine nuit, à deux ou trois heures du matin, pour me demander de me rendre d’urgence à Soursac, à Lamazière-Basse ou à Sérandon. Ah ! Il n’y a pas un carrefour, pas un coin de campagne, pas une maison auxquels je ne puisse accrocher un souvenir ! »

Par son dévouement et son humanisme, il va rapidement être connu comme «le bon docteur Queuille», surnom qui lui restera tout au long de sa vie. Les caricaturistes sauront exploiter ce qualificatif.

En 1912, il se lance en politique et se présente aux élections municipales. Il est élu maire de Neuvic pour ce qui sera un long bail, puisqu’il restera pendant 53 ans à ce poste. Son fils Pierre est né l’année précédente, ce qui fait dire à certains qu’il a été « père en 11, maire en 12« . Dans son premier discours de maire, on devine chez lui une personnalité modeste et respectueuse qui sait exprimer sa gratitude à ceux qui ont permis son élection et reconnaître la valeur du travail effectué par ses prédécesseurs, fussent-ils des adversaires sur un plan politique.

L’année suivante il sera élu conseiller général…

1914   30 ans – Il devient député de la Corrèze aux élections législatives du printemps 1914 à la suite d’un concours de circonstances favorables, sous l’étiquette du parti radical socialiste – ce parti connaîtra son apogée dans l’entre deux guerres – sur la circonscription d’Ussel. Note 2

La guerre survient quelques mois plus tard : engagé volontaire, il est en charge d’un hôpital militaire à Baccarat, en Meurthe et Moselle (54). Il commence quelques mois plus tard son activité de parlementaire et est déchargé provisoirement de ses obligations militaires. Mais à la suite de l’offensive allemande du début 1916, il est réaffecté sur le front à Verdun, puis sur la Somme. Il reçoit la croix de guerre en 1916.

Après 1918, il retrouve pleinement sa fonction de parlementaire. Ses judicieuses interventions à la chambre des députés seront remarquées et c’est sans doute ce qui explique son entrée en 1920 comme sous-secrétaire d’État à l’Agriculture dans le gouvernement d’Alexandre Millerand, date qui marque le véritable début de sa carrière politique au plan national.

1924   40 ans – Il conduit en Corrèze la liste du Cartel des gauches qui va obtenir la majorité au parlement et gouverner pendant quelques années avec Édouard Herriot en chef de file.

Reconnu comme spécialiste incontournable du domaine, il va être en charge du ministère de l’Agriculture à partir de 1924 pendant près de 4 ans, poste qu’il retrouvera entre 1932 et 1934.

Il sera un soutien constant du monde agricole et militera pour une généralisation de l’électrification des campagnes ainsi que pour la mécanisation accrue de cette activité. On lui doit aussi la création des chambres d’agriculture, de l’école supérieure du génie rural, de la caisse nationale du Crédit Agricole, des mutuelles et coopératives agricoles, le développement de l’enseignement agricole et de la recherche agronomique ainsi que son action pour le reboisement des forêts, l’utilisation des forces hydrauliques (ce qu’on appelle alors la «houille blanche»), etc. Il devra affronter les problèmes récurrents d’autosuffisance alimentaire en matière de céréales : le pain est un sujet majeur dans ces années-là.

Il sera nommé pour quelques mois à la Santé Publique ainsi qu’au ministère des Postes durant le second semestre 1932.

1934  50 ans – Il continue sa carrière au plus haut niveau et assure de nouveau les fonctions de ministre de la santé publique, puis des Travaux publics pendant une année pour retrouver l’Agriculture de 1938 à 1940

Ses qualités de loyauté, son souci constant de ne heurter personne et sa recherche constante de conciliation pour résoudre les difficultés, préférant le compromis à la querelle expliquent l’estime et la considération dont il jouit.Note 3

Au décès d’Henry de Jouvenel Note 4 en 1935, il prend sa suite en tant que sénateur de la Corrèze. Sent-il arriver la vague du front populaire ? Toujours est-il qu’il ne se représente pas aux législatives de 1936 et c’est le communiste M. Vazeilles qui lui succède à l’Assemblée.

Il retrouvera un poste ministériel à la mi-1937 dans le gouvernement Chautemps qui succède à Léon Blum, dans lequel il sera ministre des travaux publics. C’est à ce titre qu’il conduira durant l’été 1937 les discussions qui aboutiront à la création de la SNCF au 1er septembre 1937. En avril 1938, il est de nouveau nommé à l’Agriculture … Ainsi, entre 1920 et 1940, il aura été vingt-deux fois membre d’un cabinet ministériel, dont seize (!) fois à l’Agriculture.

Durant la période de guerre, il refuse de soutenir Pétain et se retire à Neuvic où il va s’improviser exploitant forestier et créer une entreprise de fabrication de charbon de bois destiné à alimenter les véhicules à gazogène. Un sujet qu’il connaît et auquel il s’est intéressé dans ses fonctions ministériel-les à l’agriculture…

Par l’intermédiaire de son fils Pierre, il tisse des liens avec la résistance et noue des contacts avec Londres. De Gaulle lui fait savoir qu’il souhaiterait l’avoir près de lui et Henri Queuille franchit le pas au printemps 1943 en s’envolant pour Londres. Mesurons le courage qu’il a fallu pour ainsi abandonner sa famille et se lancer dans une aventure incertaine alors qu’il a près de 60 ans ! Note 5

1944   60 ans – Il fait partie de l’état-major qui gravite autour du Gal de Gaulle lequel le nomme à la commission du débarquement en charge des mesures à prendre dès la libération du territoire ; quelques mois plus tard, il devient commissaire auprès du CFLN, le Comité Français de Libération Nationale, structure qui se transformera en 1944 pour devenir le premier Gouvernement Provisoire. Il en assurera la présidence par interim.

En désaccord sur le fond avec de Gaulle, il reprend sa liberté politique à la fin 1944.

Il va être réélu aux élections législatives de 1946 et prend alors la présidence du groupe parlementaire radical-socialiste à l’assemblée. Il devient ministre des Travaux publics, du Transport et du Tourisme dans le gouvernement Schuman en 1948.

À la suite de la chute de ce gouvernement, il est nommé président du Conseil en septembre 1948 : il a 64 ans. Dans son équipe, un nom encore peu connu même s‘il a déjà été ministre : F. Mitterrand, secrétaire d’État à l’information (voir un extrait de son allocution prononcée pour le second anniversaire du décès d’Henri Queuille en fin de page). Son bilan est jugé plutôt positif, marqué par le déblocage des fonds du plan Marshall, avec ses contreparties nécessaires qui étaient le redressement des finances et la maîtrise de l’inflation. Il sut également ramener l’ordre républicain mis à mal par une succession de grèves …

Il sera poussé à la démission en octobre 1949 mais retrouvera par deux fois ce même poste pour de courtes durées. Élément incontournable de cette 4ème République, il occupera le devant de la scène en alternant les fonctions de président (3 fois) et de vice-président du conseil (7 fois) entre 1948 et 1954. Durant cette période, il sera à plusieurs reprises en charge du ministère de l’Intérieur.

1954   70 ans – Tout doucement, il va se retirer de la vie politique. Élu pour la dernière fois député en 1956 pour deux années, il poursuit toutefois son mandat de maire de Neuvic Note 6

1964   80 ans – Il quitte son mandat de maire de Neuvic en 1965. Il décède le 15 juin 1970 à l’âge de 86 ans. Quelques mois avant le Gal de Gaulle …

Note 1 H. Queuille est censé avoir prononcé cette phrase assez étonnante : « il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par venir à bout »

Note 2 Sa profession de foi pour les élections législatives de 1914 :

« Républicain par tradition comme l’étaient les miens, profondément attachés aux conquêtes de la République, j’ai toujours pensé que j’étais tenu de suivre les exemples de droiture politique et de fidélité à mes opinions que j’avais puisés dans ma famille, et que, pour arriver, je ne devais me prêter à aucune compromission. Je suis aussi de ceux, et j’en suis fier, qui n’ont jamais utilisé une parcelle de l’autorité que les électeurs leur avaient donnée, pour assouvir une basse vengeance ou satisfaire un intérêt électoral. Quant à mon idéal de ce que doit être la République, je le résume dans le désir de réaliser tous les espoirs qu’elle fait naître chaque jour, dans ce que ces espoirs ont de plus noble et de plus généreux. »

Note 3 d’après Jean Jolly, Dictionnaire des parlementaires français

Note 4 Henry de Jouvenel, journaliste, ministre, ambassadeur et accessoirement mari de l’écrivain Colette, est sénateur de la Corrèze entre 1921 et 1935.

Note 5 Voilà comment Edgar Faure rapporte avec humour cette épopée, l‘équipée courageuse de ce sexagénaire tranquille que de plus jeunes n’auraient pas osé entreprendre. Il écrit : « Le « père Queuille » ne tarda pas à apparaître. C’était le dernier personnage au monde que j’aurais imaginé en train d’attendre de nuit un bimoteur clandestin sur un coin de prairie balisé par des paires de draps ! »

Note 6 Déclaration recueillie à l’occasion de ses 80 ans : « Le mandat que je préfère est celui de maire de Neuvic, ma commune natale. Il m’a été confié il y a cinquante deux ans. Un maire peut transformer sa commune et voir les preuves de son activité. Il n’en est pas ainsi pour les mandats parlementaires, ministériels et pour le président du Conseil qui n’a pas souvent la satisfaction de réaliser, lui-même, une œuvre durable. »

Extraits de l’Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à la mairie de Neuvic, mardi 4 mai 1982

Monsieur le Maire, Mesdames et messieurs,

Voici que je retrouve à Neuvic d’Ussel des lieux que j’ai connus grâce à Henri Queuille, dans les années qui paraîtront aux plus jeunes déjà lointaines. L’un des responsables de la République, Président du Conseil, homme sage, écouté, plein de sensibilité et de finesse, Henri Queuille représentait déjà l’un de ceux vers lequel on se tournait lorsqu’on avait besoin d’un conseil et sur les intérêts de la patrie, et sur la gestion quotidienne des choses, des biens des collectivités locales.

En visitant ce musée, j’évoquais bien entendu des souvenirs personnels. Comment leur échapper ? Et je me souvenais de cette dernière visite faite ici même, dans cette maison où j’avais vu le président Queuille, vieilli mais encore présent. Il m’avait alors, je le crois, témoigné pour la dernière fois de son affection, mais aussi donné les conseils que j’attendais à partir de ses réalisations corréziennes et dont j’avais tant besoin dans l’exercice de mon propre mandat. Je me souviens d’y avoir vu madame Queuille dont la physionomie doit rester présente à nos mémoires et associée à celle de son mari.

Henri Queuille, homme politique, déjà éminent, qui s’était engagé pendant la première guerre mondiale, n’a pas hésité sur le chemin à suivre, lors de la deuxième guerre mondiale alors qu’il aurait pu être sollicité par la facilité et la compromission : il a rejoint Londres, la France libre, le Général de Gaulle.

Eh bien, Henri Queuille a toujours été là lorsqu’il le fallait, comme il le fallait. On le représentait souvent de façon caricaturale comme un homme un peu effacé avec son gentil sourire, avec ses traits parfaitement réguliers, difficiles précisément à saisir dans des expressions soit de grande éloquence, soit romanesques. Et pourtant pour ceux qui le connaissaient bien, il y avait bien des itinéraires qui permettaient de reconnaître en lui une qualité supérieure, une dimension intérieure dont il imprima, en diverses circonstances, les événements de notre histoire qu’il a vécus.

J’ai été retardé par le temps mais c’est un heureux temps puisqu’il va permettre à l’agriculture de cette région de sortir enfin de cette longue sécheresse. Il faut donc le considérer comme un signe de bienvenue, de chance et d’espoir.

Vive la République, vive la France !

 

SUITES (À VENIR PROCHAINEMENT) :

 chap 2 – H. Queuille, le ministre de l’Agriculture des années 20 

chap 3 – Henri Queuille, ministre polyvalent des années 30

chap 4 – H. Queuille, Président du Conseil

 chap 5 – H. Queuille le corrézien

Sources 

– musée départemental de la résistance ”Henri Queuille”, 21 rue du commerce, 19160 Neuvic

https://www.correze.fr/nos-missions/culture-patrimoine-sports/les-projets-et-lieux-culturels/le-musee-departemental-de-la-resistance-henri-queuille

https://www.neuvic-correze.net/article_31_1_musee-departemental-de-la-resistance-henri-queuille-_fr.html

– sites Internet de l’Assemblée Nationale et du Sénat

– site du quotidien La Montagne

Des papes de Corrèze en Avignon

Des papes de Corrèze en Avignon

Au tout début du 14ème siècle, les conflits entre la papauté et le roi de France vont avoir pour effet collatéral le transfert du siège de la papauté de Rome à Avignon pour plusieurs décennies. À l’époque la ville ne fait pas partie du royaume de France même si elle en est toute proche, puisqu’il suffit de traverser le Rhône en prenant le pont St Bénezet pour s’y rendre

Avignon conserve des traces visibles de ce morceau d’histoire : le palais des Papes, considéré comme le plus important ensemble gothique au monde, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

Entre 1305 et 1378, ce sont sept papes, tous français, qui vont se succéder dans ce nouveau siège de la papauté. Sur ces sept papes, il y eut trois Limousins, trois Corréziens : Clément VI (1342-1352), Innocent VI (1352-1362) et enfin Grégoire XI (1370-1378). Soyons objectifs : ce ne sont pas leurs origines géographiques, fussent-elles corréziennes, qui les mènent au sommet, mais bien plus leur intelligence, leurs compétences, leur aptitudes diplomatiques et leurs relations royales.

Il avait fallu 27 mois entre 1292 et 1294 pour élire un successeur à Nicolas IV. Ce successeur fut jugé rapidement inapte pour tenir le rôle de pape et abdiqua plus ou moins de plein gré au profit du cardinal Benedetto Caetani, un juriste à la personnalité affirmée qui prit le nom de Boniface VIII. Celui-ci se heurta très vite à l’opposition d’une famille influente, les Colonna et la querelle s’envenima jusqu’à un point tel que Boniface VIII se décida à les excommunier et à leur confisquer leurs biens. Les Colonna se réfugièrent alors en France. Et cette querelle coïncidera avec une crise qui va opposer la papauté au royaume de France; le pape conteste d’abord le droit à Philippe le Bel de lever des impôts sur le clergé puis incite les prélats français à réfléchir à des réformes à apporter au royaume de France, ce qui revient à affirmer la prééminence du spirituel sur le temporel. Boniface VIII va jusqu’à confirmer dans la bulle Unam sanctam cette suprématie du spirituel et cette prétention va être à l’origine dun conflit ouvert avec le roi de France, Philippe le Bel et ses conseillers, dont le plus influent dans cette affaire est Guillaume de Nogaret. Lequel ira jusqu’à proposer sa mise en accusation devant un concile

À la suite de ce bras de fer, Boniface VIII doit encore faire face aux Colonna qui veulent retrouver leurs privilèges et décède finalement dans des conditions quelque peu obscures en 1304; cet épisode est connu sous le nom « affaire d’Agnani »…

En 1305 l’élection (laborieuse) d’un nouveau pape amène au pouvoir un prélat qui n’est lié ni aux Caetani ni aux Colonna ou Orsini, l’archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, une personnalité plutôt neutre, réputée excellent administrateur. Et Philippe le Bel milite pour la candidature de cet homme qui s’est toujours montré adroit diplomate, même s’il est plus gascon que français (sa langue usuelle est la langue d’oc et non la langue d’oïl) et en même temps, sujet des Plantagenêts, lesquels ont eu recours à ses services dans des affaires concernant la Guyenne.

Les intrigues et les conflits italiens le découragent de se faire couronner à Rome et c’est à Lyon qu’il sera intronisé sous le nom de Clément V. Et en prévision d’un concile qui doit se tenir à Vienne où parmi les sujets à débattre, figure le devenir de l’Ordre des Templiers que Philippe le Bel veut abattre, il installera provisoirement sa résidence par souci d’indépendance vis à vis du roi de France, non loin de là, à Avignon, dans ce comtat Venaissin qui appartient en partie au Saint Siège depuis 1274; mais à deux pas du royaume de France, puisque il suffit de traverser le Rhône pour s’y rendre…Ses successeurs ne renièrent pas le choix de cette implantation dont la situation géographique présentait l’avantage par rapport à Rome d’être située sensiblement au cœur de la chrétienté occidentale. Jean XXII puis Benoît XII décidèrent de s’installer plus durablement à Avignon et ce choix se concrétisera par la construction d’un palais pontifical à la fois résidence de prestige et forteresse susceptible de protéger la papauté de l’hostilité de quelques princes … 

Puis arrivera sur le trône  Pierre Roger , originaire de Rosiers d’Égletons, mais en réalité plus Parisien que Limousin; il se fait connaître par ses grandes connaissances en théologie, son intelligence et son éloquence. Gravissant rapidement tous les échelons de la hiérarchie de l’Église : abbé de Fécamp, évêque d’Arras, archevêque de Sens puis archevêque de Rouen – impliqué dans les négociations entre les rois de France et d’Angleterre, il est nommé chancelier de France* en 1330 (il a 39 ans) et devient un des hommes de confiance de Philippe VI de Valois. En 1338 il est nommé Cardinal. Et c’est à l’unanimité qu’il est élu pape en 1342 sous le nom de Clément VI.

C’est un esprit curieux et raffiné, amateur de poésie et aux goûts de luxe (pour son couronnement, on fera abattre 118 bœufs, 1023 moutons et 101 veaux); il sera surnommé pour cela « le Magnifique«  et fera agrandir et décorer ce palais des Papes pour en faire un endroit digne de la fonction, en faisant construire les deux ailes encadrant la Cour d’Honneur formant ainsi le Palais-Neuf.

Sur le site palais-des-papes.com, on décrit ainsi l’importance de sa contribution à l’édification du palais pontifical : « Avec Clément VI, l’élégance gothique entre au palais. Les croisée d’ogives foisonnent ; sculptures, culots de nervure, moulures, viennent orner la pierre. Il attire à sa cour les plus grands intellectuels et artistes de l’époque comme le peintre Mattéo Giovannetti et fait d’Avignon un creuset culturel et un foyer d’échanges européens. Il magnifie son palais par l’attention et l’ampleur qu’il accorde aux décors (fresques, vitrail, orfèvrerie, mobilier, tentures…)« 

Il mènera une politique de prestige, considérant que le pouvoir ne peut aller sans fastes.

C’est aussi un diplomate, qui, par son action permettra le rattachement du Dauphiné à la France en proposant que le fils aîné du Roi prenne le titre de Dauphin.

Il achète la forteresse de Visan et la seigneurie d’Avignon en 1348 à la comtesse de Provence et ainsi la papauté sera désormais chez elle, dans son fief du comtat Venaissin, un ensemble de terres compris entre le Rhône et la Durance correspondant sensiblement à l’actuel département du Vaucluse mais qui s’étend même jusqu’à la Drôme, avec l’enclave de Valréas.

Et au passage, il n’oublie pas de distribuer des faveurs et des avantages à des membres de sa famille : il aide son père à faire l’acquisition de la seigneurie de Rosiers d’Égletons au vicomte de Ventadour, son frère reçoit le fief de Beaufort, un de ses neveux – le futur Grégoire XI – est nommé cardinal à un âge inhabituel (18 ans !); il arrangera le mariage d’un autre de ses neveux, Guillaume Roger de Beaufort avec Aliénor de Turenne et lui achètera au passage le vicomté de Turenne ..

L‘époque est marquée par l’épidémie de la peste noire qui tua, selon les dires, 60000 personnes en 1348 rien qu’à Avignon; les responsables de cette hécatombe sont vite trouvés : ce sont les juifs qui seront alors victimes de la vindicte populaire et des pogroms. Clément VI prendra vigoureusement leur défense.

Et c’est aussi le début de la guerre de Cent ans (1337-1453)

Innocent VI : de son nom Étienne Aubert, né à Beyssac. Ce sera un peu un pape par défaut qu’éliront les cardinaux qui entendent peser sur les décisions et ne plus devoir subir un gouvernement monarchique comme celui de Clément VI. Et pour assurer ce pouvoir collectif, ils choisissent un homme réputé modeste. Étienne Aubert est un juriste qui a côtoyé Philippe VI de Valois. La guerre entre la France et l’Angleterre va mobiliser toute son énergie et les projets de croisade resteront à l’état de projet. Et puis le retour de la peste en 1361 va contrarier ses ambitions. Son esprit d’économie le pousse à modérer le train de vie pontifical, un peu forcé toutefois par les largesses financières de son prédécesseur, Clément VI.

Pierre Roger de Beaufort sera le 3ème pape limousin sous le nom de Grégoire XI. Neveu de Clément VI qui l’a nommé cardinal à .. 18 ans (**), il va passer 22 années de sa vie au service de la curie avant d’être désigné comme successeur de Urbain V. Il est décrit comme un homme humble, intelligent , subtil, savant (en droit civil). Il ajoute à sa connaissance des affaires une solide expérience de l’Italie. Ses contemporains vanteront volontiers son humanisme et son goût pour les lettres classiques ainsi que sa piété. Élu en 1370, il s’emploiera à ramener la paix entre la France et l’Angleterre, cherchera à réduire l’influence des Milanais, en particulier celle des Visconti et organisera le retour de la papauté à Rome en 1377 que n’avait pu mener à bien Urbain V.

Les 7 papes – de Clément V à Grégoire XI – ont nommé 134 cardinaux dont 95 français originaires du midi (Gascogne, Quercy, Limousin).

 

 

  Voir aussi cette page sur les célébrités de la Corrèze :

 

* l’équivalent de Garde des Sceaux

** on parle alors de népotisme : faveur ou avantage accordé aux neveux

 

Sources :

-Les papes d’Avignon, Jean Favier, Artheme Fayard 2006

-Gloire de la Corrèze, Andoche Praudel, Éditions Manucius, 2016



Le Dr François Longy

Le Dr François Longy

Le Dr François Longy (1828-1899) a exercé son métier de médecin sur le canton d’Eygurande exclusivement. Il fut en outre maire de la commune et conseiller général du même canton de 1867 jusqu’à sa mort.

Il connaissait donc parfaitement ce territoire et ses habitants, avait sans doute recueilli quelques confidences lors de ses visites. Et il était donc parfaitement fondé à en faire la description.

Il a rédigé une monographie, parue en 1891, dans laquelle il décrit en détail le canton, sa géographie, son histoire et ses habitants. Et il consacre un chapitre à chacune des 10 communes qui le composaient alors (depuis 2015, il a été intégré dans le canton d’Ussel et n’a plus d’existence administrative )

Cet ouvrage constitue un témoignage historique précieux et précis sur la vie dans les campagnes Haute-Corréziennes, à la fin du XIXème siècle. On prétend que son recensement de la faune piscicole sert encore de référence pour évaluer la perte de diversité et l’appauvrissement de la richesse biologique de nos rivières.

Le docteur Longy n’est pas un écrivain à proprement parler, plutôt un érudit. Il a écrit d’autres ouvrages à caractère historique : « Port Dieu et son prieuré » (1889), « Généalogie de la famille de Bort » (1895)

 

[ Sur la géologie et ses limites de l’époque ]

Époque secondaire.

Cette époque a une durée de 2 millions 300 mille ans environ, pendant laquelle la croûte terrestre augmente de cinq kilomètres d’épaisseur. [ on sait aujourd’hui que le mésozoïque a duré 180 millions d’années ]

Le jour et la nuit n’existent pas encore; une température uniforme de 26 à 30 degrés se maintient pendant toute l’année dans notre pays, où les arbres à feuilles persistantes et les animaux géants deviennent nombreux.

[ À cette époque, pour évaluer l’âge de la terre et du système solaire, les astronomes et géologues essaient de calculer le temps nécessaire pour que la Terre passe graduellement de l’état gazeux initial à l’état solide, la température diminuant régulièrement jusqu’aux valeurs qu’on connaît actuellement. Ce faisant, ils ignorent alors la chaleur résultant de la fission des atomes, phénomène encore inconnu à l’époque et commettent donc une erreur importante… ]

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[ Description de la campagne Corrézienne ]

Ces villages, presque toujours bâtis à mi-côte des mamelons, abrités contre les vents du nord, offrent un aspect rustique et gracieux avec leurs maisons couvertes en chaume et les grands

arbres qui les entourent. Les habitations, surtout celles nouvellement construites, sont assez confortables et sans les fumiers et les terreaux qui encombrent les chemins et s’étendent jusqu’aux portes, elles seraient dans d’assez bonnes conditions de propreté et de salubrité.

Les prés, les champs et les pacages, généralement situés autour des bâtiments d’exploitation, sont clos par des haies d’aubépines, de houx, de coudriers, de hêtres, de chênes, de bouleaux et de frênes. Puis viennent les bruyères qui recouvrent les sommets, et de petits bouquets de bois plantés çà et là.

Quelques arbres fruitiers bordent les chemins du village ou forment de petits vergers.

Des ruisseaux à l’eau limpide parcourent les vallées et arrosent les prairies.

Aux mois de mai et de juin, arbres et plantes ont une couleur vert-tendre qui réjouit la vue et qu’on ne rencontre que dans les pays montagneux.

Le silence de cette belle nature n’est interrompu que par le murmure des ruisseaux, le bruissement des feuilles, le bourdonnement des insectes, le cri des animaux, le chant des oiseaux et des laboureurs. Pendant les beaux jours, une course à travers les petits sentiers des bruyères ou à l’ombre des grands arbres, offre un charme tout particulier et difficile à décrire.

Tantôt on parcourt une petite vallée ombreuse et fraîche, tantôt du haut d’un monticule on découvre un immense horizon; un ciel pur déploie son dôme azuré ; les oiseaux voltigent de branche en branche, les abeilles butinent les fleurs; un chant lointain vient parfois frapper l’oreille;

on respire un air tiède et pur ; on est heureux de vivre, et on reste plongé dans une douce rêverie.

Sur les plateaux, le panorama est admirable ; la vue s’étend jusqu’aux montagnes d’Auvergne ; elle embrasse à de grandes distances le Puy-de-Dôme, le Cantal, la Corrèze et la Creuse.

Les plus beaux points de vue sont au château et au plateau d’Aix, à Lavervialle et au Puy-Saley, près de Lamazière-Haute, au plateau de Bongue, et sur les hauteurs de la Bourgeade et de la Veyssie.

Le climat du canton d’Eygurande est très sain, mais assez froid. Son altitude et sa proximité des montagnes d’Auvergne, dont les sommets sont recouverts de neige pendant six mois au moins, en sont la cause principale. La température est variable, ses changements sont brusques même en été; la moindre ondée ou le vent du Nord font baisser le thermomètre. Aux mois de juillet et d’août, les journées sont souvent très chaudes, quoique tempérées ordinairement par une brise légère, mais la température s’abaisse le soir et les nuits sont relativement fraîches.

[ Avis aux promoteurs d’éoliennes ]

Les vents sont très variables ; ils changent souvent de direction du matin au soir ; aussi il est impossible d’établir des moulins à vent dans notre pays.

[ Le climat ]

Souvent, vers la fin d’octobre, une légère couche de neige vient blanchir la terre pendant un jour ou deux et annoncer l’hiver ; souvent aussi elle reparaît pour quelques heures au mois de mai et même de juin pour nous rappeler les neiges d’antan ; mais les mois réellement neigeux sont ceux de décembre, janvier et février. La couche neigeuse atteint parfois une épaisseur moyenne de 50 à 80 centimètres. (En 1829-30 et en 1870-71, elle a dépassé 1 mètre de hauteur). Elle persiste alors sans interruption pendant deux ou trois mois. Chassée des sommets par les vents du nord et du nord-est, la neige s’amoncelle dans les vallées et les chemins en contre-bas. La circulation des voitures devient impossible, et c’est alors que les habitants de Laqueuille et de ses environs se rendent en traîneau aux foires de Bourg-Lastic et d’Eygurande.

Pendant ces longs hivers surviennent parfois des tourmentes de neige appelées écirs ou échires, du celtique échira, neige, tourmente. C’est un des phénomènes les plus redoutables des pays élevés ; c’est le simoun du désert. Pour l’œil exercé, l’ouragan a des signes précurseurs : l’horizon est gris et sombre, les hauteurs se couvrent d’un voile, des nuages immobiles obscurcissent le ciel, le froid est vif et piquant, la nature prend un aspect morne et triste, c’est le repos absolu avant une lutte violente. Tout à coup un vent furieux se déchaîne ; il soulève des tourbillons de neige et produit des bruits étranges qui sont presque des lamentations. La bourrasque vous enveloppe alors ; une neige fine et ténue vous fouette le visage et produit l’effet de piqûres d’épingles ; elle vous aveugle et pénètre même à travers vos vêtements. Au milieu de la lande que recouvre un immense linceul de neige, vous avez beau vous retourner, vous êtes toujours battu par la tempête. Complètement égaré, vous allez devant vous, au hasard, puis, poussé par un tourbillon, vous décrivez un demi-cercle et vous revenez sur vos pas. Peu à peu la fatigue s’empare de vous, vous vous asseyez pour respirer et pour vous reposer; vous vous endormez et la mort vient vous surprendre pendant ce sommeil léthargique.

[ Les voies de communication ]

Jusqu’en 1822, la voie romaine [passe à Aix notamment – lien] fut le seul chemin à peu près viable du canton ( ! )

[ Les habitants et leurs coutumes ]

Les habitants du canton sont généralement robustes et bien constitués ; au point de vue du recrutement [ le conseil de révision ?], ils occupent le premier rang dans la Corrèze.

il existe deux types principaux qui se rattachent aux races primitives.

Certains individus, sous-brachycéphales orthognathes, à la taille moyenne ou petite, aux cheveux lisses et plats, noirs ou châtain foncé aux yeux bruns ou bleu foncé, au front peu élevé, à la peau mate et velue, au cou assez court, aux épaules larges, à la poitrine bien développée, aux membres fortement musclés, représentent la race celtique.

D’autres, sous-dolichocéphales orthognathes, à la taille élevée au front large et découvert, aux cheveux blonds ou châtain clair, aux yeux bleus ou gris, à la peau blanche, au teint coloré, aux membres moins charnus, se rattachent aux races germaniques.

L’occupation romaine paraît avoir apporté des mœurs et des institutions plutôt qu’un élément ethnique ; les légions étaient du reste composées de peuples divers ; néanmoins, quelques rares familles rappellent encore les types grec et romain.

On rencontre aussi quelques personnes aux pommettes saillantes,au visage anguleux, au front bas, au nez épaté, aux narines ouvertes, aux yeux un peu obliques, aux cils courts, a la bouche grande avec de grosses lèvres,aux incisives larges et proclives, aux mains et aux pieds petits, aux cheveux rudes et plats, aux membres gros, charnus et bien dessinés. Ils descendent de la race mongole, et leurs ancêtres, sous le nom de Huns, ont ravagé le pays au Ve siècle.

Il existe encore de nos jours de très rares individus aux cheveux et aux yeux noirs, à la peau brune ou basanée, à la taille élevée, à la constitution plutôt maigre que grasse, aux muscles d ‘acier, qui rappellent le type arabe et l’invasion du VIIIe siècle.

[ brachycéphale : qui a le crâne plus large que long ; contraire : dolichocéphale ]

[ La langue locale : le patois ]

Le langage usuel est le patois, cette vieille langue limousine qui brilla d’un si vif éclat au moyen âge.

Autrefois ce dialecte était usité dans les couvents de femmes, tandis que le latin était employé dans les couvents d’hommes. Il y a quelques années, les curés faisaient encore dans nos campagnes leurs sermons et le catéchisme en patois.

Depuis le XVe siècle, la langue française prend de jour en jour une prépondérance de plus en plus grande; et par suite de l’émigration et de l’instruction primaire, dans quelques années, notre vieux patois ira dormir du côté du grec et du latin.

[ Les mœurs ]

La femme est l’égale du mari

Dans un mariage, après les qualités morales et intellectuelles, on doit surtout recherche la santé et une bonne constitution

Les garçons se marient ordinairement entre vingt-cinq et trente ans, les filles entre dix-huit et vingt deux ans. C’est l’âge le plus convenable à tous les points de vue.Une sympathie mutuelle, les convenances de famille et les intérêts matériels contribuent chacun pour leur part à ces unions, qui sont généralement heureuses ; car futurs et familles se connaissent parfaitement ; aussi la séparation de corps et le divorce sont-ils inconnus parmi nos populations rurales

[ Un nom inattendu ]

Autrefois .. une chemise de toile écrue .. un large tricot pour le travail et une limousine, manteau rayé à longs poils, pour les jours de froid ou de pluie, constituaient le costume des hommes. J’ai vu, il y a à peine trente ans [ vers 1860 donc ], de beaux vieillards qui avaient conservé ce costume et portaient des cheveux longs attachés derrière la tête au moyen d’une natte.

 

sources : Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de la Corrèze, années 1891 à 1893, BNF

 

Ils ont passé en Corrèze

Ils ont passé en Corrèze

Célébrités ayant séjourné en Corrèze

Colette : après sa rencontre avec Henri de Jouvenel, elle passe de longs moments en Corrèze, à Castel Novel, le château des Jouvenel. En 1913, à 40 ans, elle donne naissance à sa fille, prénommée Colette et surnommée « Bel Gazou »; laquelle restera durant les années de guerre à Varetz sous la surveillance d’une nurse, sa mère ayant regagné la capitale. Elle reviendra en Corrèze, à Curemonte cette fois, au moment de la débâcle, à l’été 1940, durant lequel elle séjournera chez sa fille, dans un des deux châteaux appartenant aussi aux Jouvenel.

Malraux : en décembre 1942, il s’installe avec son épouse du moment, Josette Clotis, à St Chamant. Après l’arrestation de deux de ses frères, il entre dans le maquis en 1944 sous le pseudonyme de « Colonel Berger ». Son épouse mourra tragiquement dans un accident, happée par un train en gare de St Chamant…

Henri Troyat : il fit de nombreux séjours à Bugeat d’où était originaire son épouse. Le village et ses habitants auraient fortement inspiré sa série « Les semailles et les moissons », parue en 1953

Hillary Clinton : en 1998, Mme Clinton se rend sur les terres de Bernadette Chirac où elle va découvrir le fonctionnement de la démocratie locale en visitant le conseil général puis le canton de Corrèze. Une belle opération de com de la part de Bernadette Chirac

Toponymie

Toponymie

La toponymie (du grec topos, lieu, et onoma, nom) est la science des noms de lieux géographiques

Elle est le reflet des langues régionales qui se sont succédées ou ont coexisté (gaulois ou celte, latin, patois ou langue d’oc ou occitan), et à partir desquelles ont été nommés les lieux-dits, hameaux et villages

La majorité des noms de famille (patronymes) sont issus de noms de lieux (toponymes)

Dit autrement, toutes les dénominations de lieux, la plupart des noms, ont une signification, le plus souvent peu compréhensible si on ne remonte pas aux sources étymologiques …

Vous pourrez donc trouver, au fil de vos pérégrinations, des panneaux indicateurs sur lesquels vous pourrez lire des noms tels que ceux-là :

Besse, Bessade : Betua, betuo, lat betula, le bouleau; lieux-dits à Thalamy, St Jal, St Pardoux le Neuf, Aix

Bonnefond : de Fons : fontaine, donc bonne fontaine. Lieux-dits à Aix, Liginiac, Naves, Sarran, etc

Besson, de l’occitan bĕssou : jumeau (le Mont Bessou a un jumeau, le puy Pendu)

Borie : de l’occitan bòria, ferme isolée ou domaine agricole ou métairie. Lieux-dits à Seilhac, Vigeois, Espartignac, Serandon, Egletons, St Augustin

Bouige ou Bouyge : gaulois : Boiga ou bouyge : terre en jachère, friche; Lieux dit : La Bouige ou La Bouyge (Sornac, Latronche, Nespouls, Naves)

Breuil : Brogilo ou broilum, brogilum, occitan : bròlh : taillis ou petit bois clos (entouré de haies ou non); lieux-dits à Seilhac, Le Lonzac, Vigeois, Meymac, etc

Bruge, Brigouleix, Brugère : Bruco, brujo (patois), la bruyère,

Bussière : lieu planté de buis

Chassang, Chassagne, Chassagnite : le chêne, du gaulois Cassano, lat Cassanum; lieux-dits à St Exupéry, Lagraulière, St Rémy, Chaveroche, Soursac, Chamboulive, Vitrac, Brive

Coudert ou Couderc : de Cotericum, latin Codercum : petit pré, enclos proche de la maison, réservé aux porcs et volailles ou encore paturage communal. Lieux-dits à Chamboulive, Espagnac, Treignac

Fage, Faye, Fayolle, Faux : latin Fagus : le hêtre et fagetum, la hetraie, etc; lieux-dits à Liginiac, Merlines, Clergoux, St Exupéry, St Mexant, etc

Fraysse ou Fraisse : du latin Fraxinus, le frêne; lieux dits à Margerides, Argentat, Lamazière Haute, Margerides, Perpezac le Blanc

Gane ou La Ganne : Gāne ou Ganne, mot du patois, d’origine germanique (équivalent du latin vadum, gué); désigne un gué ou un (petit) ruisseau; Lieux dits à St Exupéry, Alleyrat, Ambrugeat, Egletons, Peyrelevade, etc

Jarrige : autre nom du chêne (à rapprocher de garrigue?); lieux-dits à Aix, Alleyrat, Masseret, Soudeilles, etc

Puy, Puech, Pouget, Poujade, Poux, Peuch (du latin podium) : monticule, hauteur;

Suc (préceltique : hauteur). Suc au may, Puy La Graule, Le puy du Suc (doublon) à St Rémy

Vergne, Vergnols mais aussi Les Vergnes ou Lavergne : du gaulois Vern, l’aulne; lieux-dits à Aix, Eygurande, St Clément, Cornil, Darnets, St Germain les Vergnes, etc

Vayssade, Vaissière, Lavessière .. de Vaissa (occitan) : le noisetier

Mon lieu-dit préféré, apparemment unique : abieuradou ou abiouradou (a bieure veut dire « à boire » en patois) : abreuvoir, lieu dit sur la commune de Courteix

                                                                       Voir aussi